Démédicalisation d’un diagnostic : la valeur sociale du diagnostic de « syndrome d’Asperger »

DOI : 10.48649/pshs.298

Abstract

D'un diagnostic médical, psychiatrique, l'autisme est passé à une identité neurocognitive. Les témoignages des personnes autistes recueillis dans le cadre de ma thèse ainsi que les observations cliniques issues de ma pratique de psychologue mettent en exergue un recours particulier au diagnostic de « syndrome d’Asperger » (autisme de niveau 1 selon le DSM-5) chez les adultes : on assiste à une démédicalisation et à une dépathologisation de ce diagnostic, qui se parerait alors d'une valeur sociale, c’est-à-dire à la fois culturelle, communautaire et individuelle. Le diagnostic, dont la valeur médicale a été désactivée, est utilisé comme un moyen de dépathologiser leur état et de légitimer un vécu de différence et d’inadaptation. Cet article vise à rassembler un ensemble d’observations et à mettre en évidence certains mécanismes sous-jacents à ce phénomène de démédicalisation, afin de répondre à la question suivante : quelle est la valeur et la fonction du diagnostic de « syndrome d’Asperger », tel qu'il est devenu dans le contexte socio-culturel occidental, et pour les adultes qui y ont recours ?

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Mots-clés

autisme, syndrome d’Asperger, diagnostic, identité neurocognitive, démédicalisation

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Text

L'autisme est devenu une catégorie hétérogène, influencée par le contexte social. Le « syndrome d'Asperger » a disparu du DSM-5 pour être englobé dans la vaste catégorie des « troubles du spectre autistique », classifiés selon trois niveaux1. De plus, une controverse a émergé concernant l’utilisation du terme « syndrome d’Asperger » après qu’il a été mis en évidence que Hans

Asperger soutenait les thèses eugénistes du régime nazi (Czesh, 2018)2. Cependant, il sera encore fait mention dans cet article du « syndrome d'Asperger », parce que c'est ainsi que les personnes rencontrées dans le cadre de ma thèse3, sur lesquelles se fonde en partie cet article, ont été diagnostiquées et se définissaient avant l’émergence de cette controverse. De plus, en tant que psychologue en libéral, je reçois en consultation des personnes, adolescentes et adultes, qui se présentent comme « porteuses du syndrome d’Asperger », « diagnostiquées Asperger », ou se questionnant sur un potentiel diagnostic de « syndrome d’Asperger ».

Cette appellation, par ailleurs, sert toujours à la communauté autiste et aux personnes constituant le « monde Aspie4 ». Notons aussi que de nombreuses associations continuent d’avoir recours au terme « Asperger » pour se nommer, du moins en France (Asperger Aide France, Asperansa, Asperger Lorraine, etc.).

Ainsi, le « syndrome d'Asperger », s'il n'est plus officiellement utilisé en tant que diagnostic, sert encore de ciment à une catégorie d'individus regroupés sous une identité collective. En cela, il est possible de parler de l'autisme comme d'une catégorie sociale et politique (Borelle, 2017).

D'un diagnostic médical, psychiatrique, l'autisme est peu à peu passé à une identité neurocognitive. La conception de l'autisme qui prédomine actuellement est celle de l'autisme comme variante neurologique entraînant des compétences particulières et une perception du monde qui diffèrent de celles des non-autistes (Bagatell, 2009 ; Chamak, 2005 ; 2008 ; 2011). L'autisme n'est plus considéré comme une psychose ni comme un trouble rare associé à un handicap grave, mais comme une manière de percevoir et de réfléchir spécifique : l’autisme relèverait ainsi d’une « autre intelligence » marquée par un surfonctionnement perceptif et de la mémoire (Makram & Makram, 2010 ; Mottron, 2004). La déstigmatisation de l'autisme a été associée à une augmentation croissante de la demande de diagnostic de syndrome d’Asperger (Chamak, 2006). Ce changement de perspective n'est pas seulement la conséquence des recherches en neurosciences : il est aussi une conséquence d'un élargissement des critères diagnostiques, de la redéfinition de l'autisme par les personnes autistes elles-mêmes, mais aussi du contexte socio-culturel de nos sociétés occidentales.

Le problème posé par le diagnostic de syndrome d’Asperger est un problème complexe car constitué de plusieurs facteurs difficiles à délimiter et à circonscrire. Dans cet article, je chercherai à en retracer succinctement l'évolution et à montrer comment l'autisme, catégorie à l'origine psychiatrique et clinique, met en évidence un phénomène social contemporain, celui de la démédicalisation d'un diagnostic, qui, dépathologisé et dont la fonction réadaptative a été ainsi désamorcée, est réutilisé à des fins « sociales », c’est-à-dire culturelles, communautaires et individuelles.

Nous verrons quels sont les bénéfices associés au diagnostic de syndrome d’Asperger, et les raisons, à la fois individuelles et socio-culturelles, qui poussent les individus à s'engager dans un parcours diagnostique. Les questions de l'auto-diagnostic et du sur-diagnostic seront aussi soulevées en tant qu'illustration de l'aboutissement de différentes tendances conjointes, tels que le mouvement de la neurodiversité, le rejet du modèle médical et la volonté d'auto-détermination. Le terme de « démédicalisation » désignera donc ici à la fois le rejet du modèle médical accompagné de cette volonté d’auto-détermination, et à la fois la dépathologisation des TSA entraînée par les nouvelles représentations de l’autisme.

Après avoir identifié différents facteurs composant le phénomène de démédicalisation du diagnostic de syndrome d’Asperger, nous verrons enfin comment, chez les adultes appartenant à la frange dite « haute » du spectre (niveau 1 du DSM-5), le diagnostic de syndrome d'Asperger, socioculturellement reconstruit et utilisé à des fins à la fois thérapeutiques, communautaires et individuelles, finit par se parer d'une valeur « sociale ».

D’un diagnostic psychiatrique à une identité neurocognitive

En 1944, Hans Asperger publie un article où il décrit un tableau clinique ressemblant de près aux descriptions de l'« autisme infantile précoce » proposées par Léo Kanner un an plus tôt, mais dont les symptômes apparaissent bien plus légers. Ce n’est cependant qu’en 1981 que Lorna Wing, psychiatre britannique, réactualise les travaux de Hans Asperger et introduit l’idée d’une continuité entre les symptômes autistiques décrits par Kanner et ceux décrits par Asperger. Bien que dans les descriptions d'Asperger, les symptômes ne sont pas ou sont peu visibles avant l’âge de trois ans et que ces enfants ne présentent pas de retard de langage, la communication non-verbale et l’interaction sociale sont affectées et l’attrait pour les activités répétitives et la résistance au changement rappellent les descriptions de Kanner. Cependant, les enfants décrits par Asperger présentent par ailleurs des difficultés sur le plan moteur ainsi qu’une très bonne mémoire et un intérêt intense dans un domaine précis.

L'élargissement des critères diagnostiques de l'autisme s'est accentué à la fin des années 1980, avec le recours aux diagnostics d'autisme de haut niveau et de syndrome d'Asperger. Des personnes avec un QI dans la moyenne et pouvant communiquer par le langage pouvaient alors être considérées comme porteuses d'une forme d'autisme. La prévalence de l'autisme a alors fortement augmenté dans les pays occidentaux5, concernant aujourd'hui jusqu'à 2 % de la population (Hens, Robeyns & Schaubroeck, 2019). Le chiffre d’une personne sur 59 est parfois proposé (Gourion & Leduc, 2018). Selon la Haute Autorité de Santé (2018), aux États-Unis, les statistiques font état d’une prévalence de 1 personne autiste sur 68. Le DSM-5 classe l'autisme parmi les TSA (Troubles du Spectre Autistique), eux-mêmes étant classés dans le groupe des TDN (Troubles du Neuro-Développement) auprès d'autres troubles avec lesquels l'autisme se trouve souvent associé ; le DSM-5 rend alors possible différentes combinaisons entre soixante-trois TDN différents (Pry, 2018).

Dès 1989, Lorna Wing signalait que ce recouvrement de différents syndromes, probablement liés par un noyau syndromique commun, les rendaient difficiles à différencier les uns des autres et pouvait donc entraver la distinction entre l'autisme et les autres conditions neurologiques souvent associées (telles que l'épilepsie ou le trouble de l'attention). Par ailleurs, elle précisait déjà que le diagnostic d'autisme tendait à n'être posé qu'à partir de l'observation d'un ensemble de comportements ; or, elle notait que les manifestations comportementales de l'autisme sont susceptibles de changer avec l'âge des patients, de varier selon l'environnement, d'être influencées par la personnalité de l'enfant et que les symptômes appartenant à la « triade autistique » sont ainsi soumis à de grandes variations inter-individuelles.

Les constats de Lorna Wing restent d'actualité, plus de quarante ans après : il n'y aurait pas de réel consensus concernant les causes et la nature précise des TSA, qui ne recouvriraient pas une seule réalité biologique (Waltz, 2013). Les critères diagnostiques se seraient avec le temps déplacés par rapport aux descriptions d'origine et l'autisme serait devenu une catégorie floue et hétérogène (Verhoeff, 2013). Le diagnostic d'autisme demeure fondé sur l'étude du comportement de l'individu selon les critères du DSM ; de plus, l'autisme chez les adultes serait toujours aussi délicat à authentifier puisque  :ces derniers développent des stratégies de compensation pour masquer leur autisme, et l'autisme apparaît d'autant plus insaisissable qu'il relèverait aussi en partie d'une construction sociale (Hens & Langenberg, 2018).

En effet, l'élargissement des critères diagnostiques a à la fois entraîné le développement d'une communauté autiste, et a été accentué et entretenu par cette communauté. Suite à l'élargissement des critères diagnostiques, des personnes autistes verbales et parvenant à compenser leurs difficultés, qui de ce fait n'avaient jusque-là pas de diagnostic (ou un diagnostic psychopathologique erroné), ont pu être reconnues comme autistes. Ces personnes, en mesure de s'exprimer, d'écrire et de prendre la parole, ont commencé à se fédérer. Les premiers témoignages et autobiographies écrites par des personnes autistes sont apparus dans les années 1980 et 1990, comme ceux de Temple Grandin (1984) ou de Donna Wiliams (1992). Selon la sociologue et neurobiologiste Brigitte Chamak (2008), les autobiographies écrites par des personnes autistes ont contribué à l’élaboration d'une politique identitaire autour de l'autisme. Ainsi, dès les années 1990, des personnes nouvellement diagnostiquées autistes ont pu commencer à se regrouper pour former ce qui deviendra une communauté autiste avec une identité collective, contribuant à modifier les représentations de l'autisme. L'autisme sort alors d'un abord médical et déficitaire grâce à la vision de l'intérieur apportée par leurs témoignages (Silverman, 2008). Nancy Bagatell (2007 ; 2010) parle de « communauté autiste »pour désigner ces regroupements de personnes autistes qui constituent le « monde Aspie » érigé autour d'un discours commun, largement inspiré du mouvement de la neurodiversité. Ces nouveaux défenseurs de la cause de l'autisme demandent à définir par eux-mêmes ce qu'est être autiste, à former leurs propres représentations de l'autisme qui entrent en opposition avec un discours biomédical accusé de pathologiser leur condition : en s'appuyant sur les découvertes autour d'un fonctionnement neurologique différent, l'autisme est redéfini comme une différence neurologique et non comme une maladie (Bagatell, 2010 ; Chamak, 2005 ; 2008 ; 2009 ; 2011). Le discours de la communauté autiste emprunte bien ici la perspective de la neurodiversité en considérant l'autisme comme une différence cognitive entraînant des compétences à valoriser, un mode d'interaction particulier, et en l'extrayant de son statut de handicap à corriger. Comme l'exprimait un participant à ma thèse, B., l'autisme est conçu selon cette perspective comme « une sorte de réallocation des ressources du cerveau. »

En se joignant au mouvement de la neurodiversité et en rejetant le modèle médical, les défenseurs de la cause de l'autisme forgent peu à peu une représentation de l'autisme comme trait de caractère, élément central de l'identité dont l'individu n'a pas à être guéri, associé à des bénéfices et des compétences cognitives particulières : l'autisme ne relève plus d'un « désordre neurologique », mais d'une identité cognitive ou neurologique (Hens, Robeyns & Schaubroeck, 2018).

La chercheuse Jennifer C. Sarrett (2016) évoque une « neuro-génération » pour qualifier les tendances observables dans ce qu'elle qualifie de « décennie du cerveau6 », qui tend à considérer les individus comme des sujets cérébraux : les comportements ou la personnalité sont conçus comme étant déterminés par des structures neurologiques. Suivant cette nouvelle forme de « biocitoyenneté7 », les caractéristiques neurobiologiques détermineraient l'identité personnelle et sociale de l'individu. Ainsi, selon la chercheuse, nous « sommes » notre cerveau là où auparavant nous « avions » un cerveau. Cette nouvelle façon de concevoir l'identité pousserait à la création de communautés soudées autour d'un fonctionnement neurocognitif commun, tel que cela est observable avec la communauté autiste. Celle-ci s'érige en opposition avec les dits « neurotypiques », avec la volonté affirmée de remettre en question l'autorité médicale. L'autisme, en tant que forme particulière de neurodiversité, relèverait selon ce point de vue d'une « subjectivité cérébrale » (ibid.).

Du diagnostic à l’auto-diagnostic

L’élargissement des critères diagnostiques a entraîné une modification des représentations sociales de l’autisme, encouragée et accentuée par la création de la communauté autiste, elle-même permise par le diagnostic d’adultes concernés par les nouveaux critères. Ces deux phénomènes conjoints ont contribué à déstigmatiser l’autisme (Chamak, 2011) : l’autisme, en tant qu’identité neurocognitive, devient une identité valorisée qui ne devrait donc pas être « normalisée » par des traitements et des thérapies comportementales intensives telles que l’ABA8.

Chez les adultes, le diagnostic de syndrome d’Asperger est rendu difficile à la fois par les stratégies de compensation mises en place par apprentissage, qui tendent à atténuer ou à faire disparaître certains symptômes de l’autisme, et à la fois par des erreurs de diagnostic antérieures, accompagnées de traitements inadaptés (Hens & Langenberg, 2018), comme cela a été le cas de C., rencontrée dans le cadre de ma thèse. Celle-ci m’a fait part de son anorexie dont elle n’a réussi à se sortir qu’à partir du moment où le diagnostic de syndrome d’Asperger a pu être posé après des années d’errance diagnostique faite de séjours en hôpitaux psychiatriques et de traitements neuroleptiques lourds. Ces parcours chaotiques, dus à des erreurs de diagnostics, sont le lot de nombreuses personnes autistes, telles que Josef Schovanec, docteur en philosophie et diplômé de l’Institut des Sciences politiques de Paris, écrivain, autiste et militant pour les droits des personnes autistes. Il a lui aussi témoigné dans son autobiographie (2012) des conséquences désastreuses d’erreurs de diagnostics (notamment la schizophrénie).

Les conséquences positives d’un diagnostic de syndrome d’Asperger chez ces personnes sont nombreuses : ne plus se considérer comme anormales ou malades mentales, accepter leurs différences et leurs limites et les comprendre, contacter d’autres personnes autistes et en retirer le sentiment d’appartenir à une communauté (Chamak, 2006 ; Hens & Langenberg, 2018). Le diagnostic entraîne une amélioration de la qualité de vie de ces individus en leur procurant un statut dans lequel ils se reconnaissent, et la déstigmatisation de l’autisme s’est accompagnée d’une augmentation des demandes de diagnostic de TSA (Chamak, 2006). De plus, ce diagnostic serait libérateur dans la mesure où il viendrait confirmer leur appartenance à une catégorie neurologique, qui non seulement apporterait une explication acceptable, voire valorisante, à leurs problèmes ainsi qu’une reconnaissance sociale de ces problèmes, mais libérateur aussi dans la mesure où il confirmerait une identité à laquelle ils appartiendraient et leur permettrait de « savoir qui [ils sont] vraiment » (Hens & Langenberg, 2018, p. 213).

La majorité des adultes non-diagnostiqués entreprennent un parcours diagnostique suite à des difficultés pour s’adapter aux exigences sociales, à un vécu d’inadéquation dans leurs relations aux autres entraînant une souffrance marquée. C’est dans la plupart des cas ce qu’expriment les personnes non diagnostiquées ou auto-diagnostiquées, se questionnant sur un possible diagnostic, qui viennent me consulter en tant que psychologue spécialisée dans le syndrome d’Asperger. Une personne me contactant pour prendre rendez-vous exemplifie bien cela : celle-ci m’écrivait qu’elle souhaitait, grâce au diagnostic d’autisme, « poser des mots sur ce que j'ai de spécial pour mieux me connaitre et pour pouvoir expliquer ma fréquente originalité à mon entourage » ; constatant que je ne suis pas habilitée à poser des diagnostics, elle a annulé la consultation.

Ainsi, le parcours diagnostique est engagé à cause d’une souffrance subjective et il est attendu de ce diagnostic qu’il offre un nouveau point de départ dans la vie de ces individus. Ce diagnostic « fonctionnerait » dans la mesure où l’autisme, à présent considéré comme relevant d’une « condition neurologique », viendrait légitimer la différence dont ces individus se sentent porteurs, et les libérerait du devoir de s’adapter aux normes sociales tout en renforçant leur identité en tant que personne autiste (Sarrett, 2016 ; Hens & Langenberg, 2018). On pourrait à ce propos se questionner sur la potentielle valeur identitaire du diagnostic.

Comme le souligne le philosophe Ian Hacking (1996), la biologie disculpe les individus puisque leurs problèmes sont perçus comme réels et s’originent dans une cause qui leur serait en quelque sorte extérieure. Il faut par ailleurs souligner que le diagnostic des adultes ne débouche souvent sur aucune aide ni thérapie spécifique ; il est donc bien là en tant que « walking aid9 » (Hens & Langenberg, 2018, p. 219) servant d’explication à des difficultés et des souffrances dont l’origine, un TSA, est à présent considérée comme valorisante.

Le sociologue du handicap Henri-Jacques Stiker (2013) aborde une nouvelle strate du problème en soulignant que l’avis médical et la pose d’un diagnostic permettraient d’accéder au privilège de l’acceptation sociale et à une tolérance relative pour un fonctionnement différent et des difficultés d’adaptation. En effet, il ne faut pas négliger une dimension centrale dans le vécu et les expériences des personnes autistes, que les témoignages recueillis au cours de ma thèse ont contribué à mettre en évidence10 : le sentiment de marginalisation presque systématique et les expériences d’exclusion sociale, du fait de leur différence et de leurs difficultés d’intégration, dont la majorité des personnes autistes ont fait l’expérience11 ; de ce point de vue, l’obtention d’un diagnostic d’autisme permet d’avancer des explications objectives à une différence ainsi « validée » scientifiquement, ce qui aurait un relatif effet protecteur contre l’exclusion et le harcèlement scolaire.

Michel Foucault l’avait prévu au cours des années 70 : la loi a peu à peu été remplacée par la norme en tant que principe de régulation sociale, norme elle-même définie par ce qu’il appelle la « pensée médicale » : « Par pensée médicale, j’entends une façon de percevoir les choses qui s’organisent autour de la norme, c’est-à-dire qui exige de partager ce qui est normal de ce qui est anormal ; elle se donne, elle cherche aussi à se donner des moyens de correction qui ne sont pas exactement des moyens de punition, mais des moyens de transformation de l’individu. » (2001, p. 374). Il s’agirait ici de la « norme empirique » qu’évoque Stiker (2013, p. 184), celle des dits « valides » ou des « normaux ». Le diagnostic servirait dans ce cas d’instrument pour bénéficier de l’acceptation et d’une relative intégration. Le diagnostic, dans cette perspective, n’aurait plus seulement une fonction thérapeutique, mais remplirait aussi une fonction sociale. Selon Stiker, « la société est étiologisée » (ibid., p. 208) : toute particularité entraînant une forme ou une autre d’inadaptation, perçue comme un écart par rapport à un fonctionnement posé comme « normal », se voit étiquetée. Toute manifestation d’inadaptation tendra à être « dépistée » et débouchera potentiellement sur un diagnostic. Cet étiquetage conduit à officialiser la différence, à lui donner un nom et à l’introduire dans un processus de normalisation par des pratiques thérapeutiques et de réadaptation. La singularité se trouve alors classée dans la catégorie du « hors normes » et du pathologique. En cela, Stiker évoque la réadaptation comme étant la marque d’une culture du « grand effacement ». Dans une société où tout ce qui s’écarte de la norme est relevé, la différence serait assimilée à l’hors-norme (et il serait possible à ce propos de se demander si ce phénomène d’hyper-réactivité aux écarts individuels ne pourrait pas expliquer l’explosion des diagnostics de « dys », dyspraxie, dyslexie, etc., mais aussi de « haut potentiel »).

Ainsi, l’exclusion sociale, associée à cette hyper-réactivité aux différences individuelles assimilées à des pathologies et débouchant sur un dépistage, contribuerait à pousser les individus en souffrance à chercher un diagnostic. Ce diagnostic aurait à la fois une fonction de protection contre l’exclusion et de légitimation d’une différence « scientifiquement » validée.

Par ailleurs, face à l’augmentation du diagnostic de syndrome d’Asperger chez les adultes et aux difficultés à diagnostiquer l’autisme passé un certain âge, l’auto-diagnostic apparaît comme une réponse de plus en plus fréquente (Sarrett, 2016). Ce recours à l’auto-diagnostic est accentué par la tendance, introduite par les discours de la communauté autiste et plus largement par les mouvements sociaux autour du handicap, à considérer le patient comme un expert de lui-même et du syndrome dont il serait porteur, lui permettant par ailleurs de remettre en question les autorités scientifiques, qui seraient trop souvent incapables de poser de bons diagnostics et réduiraient leurs différences à une série de déficits. Le « Manifeste en faveur de l’autodiagnostic (autisme) » que l’on peut trouver sur le site « Ta psychophobie m’envahit » illustre ce phénomène. Dans une volonté de « désacraliser le diagnostic professionnel », l’article stipule : « En outre, même les psys spécialisés dans l’autisme ont des compétences limitées. Il est temps de comprendre que le domaine psy étudie l’autisme depuis un point de vue neurotypique (NT). La construction académique de la connaissance sur l’autisme faite majoritairement par des NT est encore empreinte de clichés tenaces. […] La communauté médicale en sait moins sur l’autisme que la communauté autiste. […] Oui un autodiag peut être faux, mais pas plus, si ce n’est moins, qu’un diag pro. »

L’augmentation actuelle des diagnostics de syndrome d’Asperger chez les adultes et ce phénomène d’auto-diagnostic soulèvent des polémiques. Josef Schovanec (2020) alerte lui-même sur ces nouvelles tendances qu’il juge abusives : selon lui, deux tiers des nouveaux diagnostics d’adultes dont la demande, personnelle, n’émane pas d’un tiers (psychiatre, psychologue, médecin, etc.), ne relèveraient pas de l’autisme. Le compositeur québécois Antoine Ouellette (2020), porteur du syndrome d’Asperger, alerte lui aussi quant aux « troubles sur le spectre » engendrés par une atténuation de plus en plus marquée des différences entre autisme et non-autisme et de l’aspect attractif du diagnostic de syndrome d’Asperger.

Laurent Mottron, psychiatre et chercheur dans le domaine de l’autisme à Montréal, s’inquiète de l’effacement des frontières entre autisme et non autisme, comme il a contribué à le démontrer dans une méta-analyse récente (Rodgaard et al., 2019), au point que les personnes diagnostiquées autistes actuellement ne présenteraient plus que très peu de différences avec les personnes non autistes. Il propose ainsi l’élaboration de nouveaux critères diagnostiques pour contrer ce phénomène (2023). De plus, une étude a mis en évidence, après un processus de réévaluation diagnostique, que 47 % des enfants porteurs d’un diagnostic de TSA ne rempliraient pas ou que très partiellement les critères diagnostiques12 (Duvall et al., 2024).

Dès 2008, Marie Allione, psychiatre et médecin cheffe de secteur de psychiatrie pour enfants et adolescents, observait que les parents tendaient à revendiquer le diagnostic d’autisme, en tant qu’il servirait d’identité ou de mode d’emploi à poser sur les difficultés de leur enfant. Elle dénonce le fait que d’autres catégories autrefois différenciées, telles que la psychose infantile, ont été mises de côté au profit des TED et des TSA dans le DSM : « ces vocables deviennent alors une identité » (ibid., p. 18), observations réitérées et confirmées par d’autres professionnels de la santé mentale. Ainsi, le psychanalyste Jean-Claude Maleval (2022) prévient des risques engendrés par une extension excessive des critères diagnostiques associée à un « nivellement vers le bas » (ibid., p. 521) des seuils de diagnostic. Avec la tendance à considérer l’autisme, et plus précisément le syndrome d’Asperger, comme une « identité d’exception » (Maleval, 2022, p. 517), attractive et valorisante, le diagnostic viendrait alors faire selon lui office d’outil « d’affirmation identitaire » (ibid., p. 518).

Par ailleurs, le président de l’association de parents Vaincre l’autisme, M’Hammed Sajidi (2014), rappelle que le concept de neurodiversité est défendu par des personnes autistes porteuses d’un autisme léger et du syndrome d’Asperger, et que ce mouvement présente le danger de faire oublier l’aspect handicapant des formes plus profondes de l’autisme. Comme le soulève Chamak (2021), l’hétérogénéité des TSA finit par se retourner contre les autistes qui ne peuvent vivre sans prises en charge spécifiques, et la déstigmatisation de l’autisme ne concerne finalement que les personnes porteuses d’un autisme peu, voire pas handicapant.

Eric Fombonne (2023), psychiatre et épidémiologiste, soulève à son tour les possibles conséquences préjudiciables du sur-diagnostic : effets sur la construction de l’identité des personnes diagnostiquées à tort, risque de surcharger encore plus les espaces thérapeutiques dédiés aux personnes autistes, qui ont déjà du mal à y accéder du fait d’un manque de structures et de personnels, résultats des recherches biaisés compromettant l’évaluation de l’efficacité de traitements et de thérapies pouvant bénéficier aux personnes autistes.

Démédicalisation d’un diagnostic ?

L'objectif de cet article n'est pas de discuter des possibles problèmes éthiques et des retombées scientifiques associés au phénomène décrit ici, mais de discuter du problème posé en introduction : quelle est la valeur et la fonction du diagnostic d'autisme, tel qu'il est devenu dans le contexte socioculturel occidental, et pour les adultes qui y ont recours ?

Nous sommes face ici à un problème difficile à saisir dans sa globalité parce qu'il est constitué d'une intrication complexe de nombreux facteurs difficiles à circonscrire et qui se recouvrent en partie, dont voici, synthétisés, ceux identifiés et décrits précédemment dans cet article : facteurs cliniques (élargissement des critères diagnostiques ; « pensée médicale » ; hyperréactivité aux différences individuelles), facteurs socio-culturels (exclusion sociale ; « biocitoyenneté » ; « grand effacement »), facteurs communautaires (communauté autiste ; neurodiversité ; rejet du modèle médical), facteurs individuels (quête identitaire ; volonté d’auto-détermination ; éventuelles erreurs de diagnostics antérieures).

Ian Hacking (1996) parle d'« effets en retour13 » pour qualifier l'influence rétroactive des classifications sur les individus classifiés, et inversement la tendance des individus appartenant à une catégorie à modifier à leur tour les représentations associées à cette catégorie ainsi que les manières de classifier les individus dans cette catégorie donnée. Selon lui, le diagnostic d'autisme illustre ce phénomène, et il qualifie l'autisme de « type interactif14 » (2000 ; 2009). Olivier Brisson, psychomotricien et auteur de l’ouvrage Pour une psychiatrie indisciplinée, écrit : « De quoi l’autisme sera-t-il le nom dans les temps futurs, c’est encore difficile à dire, mais on ressent déjà comme une dépossession par les nouvelles conceptualisations qui tendent à réduire l’humain à son appareil neuronal » (2023, p. 145).

L'autisme apparaît comme une catégorie variable, dépendante d'un contexte socio-culturel spécifique et des circonstances menant au diagnostic, dans la mesure où les difficultés associées à l'autisme dépendent étroitement du contexte social de l'individu et de son parcours de vie ; ainsi, une caractéristique individuelle ne prendrait sens et ne deviendrait difficulté qu'en fonction d'une époque et d'un contexte culturel (Hens & Langenberg, 2018).

Par exemple, pour expliquer la hausse des diagnostics d'autisme actuellement autrement que par l'élargissement des critères diagnostiques, U. expliquait lors de notre entretien : « Je pense qu'il y a un cadre social qui fait que les personnes autistes ont peut-être plus de difficultés aujourd'hui, donc il y a plus de diagnostics de gens qui sont identifiés comme étant autistes. » Cette fluidité, associée à la variabilité symptomatologique de l'autisme et à l'absence de consensus scientifique à propos de ses causes et de son fonctionnement15, permet de voir à l’œuvre les continuelles négociations possibles autour des critères diagnostiques et leur évolutivité. Hacking (2013) demande à ce propos s'il est encore possible de parler d'autisme concernant cette catégorie, ou si cette étiquette devrait être supprimée.

Cependant, il semblerait que, allant à l'encontre de la volonté de regrouper les autismes dans la grande catégorie des TSA, nous observions une rupture dichotomique au sein de ce qui est conçu comme un continuum de fonctionnement : d'un côté, des personnes autistes nécessitant potentiellement une assistance à vie (niveaux 2 et 3 du DSM-5), de l'autre, des adultes capables de s'auto-diagnostiquer, cette dernière frange du spectre pouvant hypothétiquement apparaître davantage comme socialement construite que sous-tendue par une réalité clinique et neurologique, puisqu'elle a émergé peu à peu sous l'influence, comme nous venons de le retracer, de l'élargissement des critères diagnostiques, eux-mêmes revus et récupérés par la communauté autiste et le mouvement de la neurodiversité. Ici, le diagnostic « fonctionnerait » en tant que « walking aid » (Hens & Langenberg, 2018, p. 219), permettant à l'individu de comprendre ses difficultés existentielles comme étant sous-tendues par une identité neurocognitive à présent valorisée.

Nous l'avons vu, le diagnostic de syndrome d’Asperger chez les adultes ne débouche généralement sur aucune thérapie, la pose du diagnostic, ou sa confirmation, apparaissant comme une finalité de la démarche diagnostique. La pose de ce diagnostic devient thérapeutique en elle-même pour les raisons évoquées précédemment : attribution des difficultés à une origine neurocognitive, c’est-à-dire en quelque sorte « extérieure » à la volonté de l’individu, légitimation de la différence par une « validation » scientifique et médicale, protection (relative) contre la marginalisation.

Ce diagnostic, en émancipant les individus d'une norme « neurotypique » à laquelle ils ne parviennent pas à se conformer, ces difficultés d’adaptation étant source de souffrance, leur procure un nouvel arrière-plan normatif : la norme autiste. Autrement dit, leur différence est relativisée puisque celle-ci est placée sur un nouvel arrière-plan normatif, qui est celui de l'autisme ; ainsi L. R., diagnostiquée autiste Asperger, m'expliquait : « Pour une Asperger, je suis normale. » Ou bien comme l'exprimait M., autiste et mère de B. lui aussi autiste : « Nous, on se trouve normaux. On trouve que c'est les autres, qui sont pas normaux. Nous ne nous sentons pas handicapés. On nous renvoie tout le temps à la... On nous renvoie à quelque chose de pas normal. Je pense qu'il n'y a pas de normalité, il n'y a que des gens différents. On ne comprend pas cette notion. »

Pour les personnes adultes et porteuses du syndrome d'Asperger rencontrées dans le cadre de ma thèse, l'effet du diagnostic présente cependant une double facette : il peut être vécu comme à la fois stigmatisant, et à la fois thérapeutique. Stigmatisant dans la mesure où l'individu ainsi diagnostiqué ne se sent plus appréhendé par les autres qu'à travers la grille de lecture offerte par le diagnostic lorsque celui-ci est rendu public (comme l'exprime F. : « J'aime pas les critères par exemple et, d'une part j'aime pas les critères et les cases dans lesquelles on doit associer les personnes... Euh, j'aime pas non plus les critères d'âge auxquels on doit correspondre par exemple, d'une manière générale j'aime pas trop ce principe-là. [...] C'est pas agréable en fait de se rendre compte que euh, des personnes ont travaillé sur le sujet, en savent plus que vous, et on a l'impression d'être lus à travers en fait. C'est, c'est... c'est un peu humiliant, en fait. »). Et thérapeutique dans la mesure où le diagnostic permet de comprendre son propre fonctionnement et de le rendre compréhensible pour autrui (ainsi, pour B. : « ça a pas changé la personne que je suis, mais c'est venu amener, disons, une cohérence à mon histoire. Le diagnostic est venu un peu, comment dire, baliser ma compréhension du monde »).

Cependant, leurs témoignages contribuent à mettre en exergue un recours particulier au diagnostic chez les personnes autistes : on assiste à une démédicalisation de ce diagnostic, qui se parerait alors d'une valeur sociale. C'est là un paradoxe du recours au diagnostic par les adultes porteurs du syndrome d’Asperger : ils ont recours au diagnostic pour dépathologiser leur état, et confèrent à ce diagnostic, dont la valeur médicale a été désactivée, une valeur sociale servant à légitimer leur différence, à leurs yeux et aux yeux des autres, à se donner une légitimité à ne pas être dans la norme et à le revendiquer comme relevant d’une identité neurocognitive. Leur autisme n'étant plus associé systématiquement à une anomalie stigmatisante, ces personnes n'ont pas à en être guéries, et le diagnostic perd ainsi sa dimension réadaptative.

Conclusion et ouvertures

Ce phénomène de démédicalisation n'est cependant pas propre à l'autisme : nous pouvons le voir à l’œuvre dans d'autres communautés, par exemple les personnes sourdes et les personnes intersexes. La « culture sourde » dénonce le traitement « oraliste » de la surdité chez les enfants sourds qui se ferait au détriment du développement d'une façon de se comporter typiquement sourde (Delaporte, 1998). La question ici posée est celle, comme pour l'autisme, de savoir dans quelle mesure peuvent être considérés comme pathologiques des comportements qui, du point de vue de l'individu concerné, l'aident à composer avec sa différence, voire à développer des compétences spécifiques. La communauté sourde défend ainsi l'usage de la langue des signes et s'oppose à la vision médicale de la surdité axée autour de la volonté de corriger la surdité, notamment par l'intermédiaire d'appareils auditifs, qui permettraient d'imposer aux enfants sourds une éducation « oraliste » accusée d'entraver leur développement (Blézat, 2015).

Plus récemment, les personnes intersexes ont commencé à s'engager dans un mouvement comparable pour s'extraire du discours médical. Si le mouvement social de défense de la cause de l'autisme est souvent comparé à ceux pour le handicap ou les droits LGBTQIA+, il existe un parallèle notoire avec le mouvement social mené par des personnes intersexes. Celles-ci militent pour que leur corps ne fasse plus l'objet d'une normalisation forcée et que soit ouverte la possibilité de ne pas préciser le sexe d'un individu sur les papiers d'identité (Picquart, 2009 ; Bastien Charlebois, 2017 ; Fortier, 2017). Vincent Guillot16 définit à présent l'intersexualité comme « une identité, une culture, et non une pathologie ou un fait de nature » (2008, p. 37). Comme pour l'autisme, une définition très large de l'intersexualité a été proposée, notamment grâce à une auto-définition des individus concernés : or, nous observons que, selon cette nouvelle définition, plus de 10 % de la population serait intersexuée.

Nous l’avons vu, ce phénomène est bénéfique à plusieurs niveaux pour les personnes concernées et permet de rattraper les retards ou erreurs de diagnostics de TSA, notamment chez les femmes, qui ont tendance à avoir plus que les hommes recours à des techniques de camouflage (Bargiela et al., 2016).

Cependant, comme cela a été mis en évidence, une tendance au surdiagnostic qui y est associée semble en train d’émerger, tendant à effacer les différences entre autistes et non autistes. Il semblerait ainsi qu’une forme de dichotomie se crée au sein même du spectre de l’autisme, créant des catégories séparant les personnes autistes capables de s’auto-définir, voire de s’autodiagnostiquer, et bénéficiant de la déstigmatisation (relative) de l’autisme, et celles nécessitant différents types de soutiens ou d’aménagements ; ce phénomène de démédicalisation risque de présenter, à long terme, des conséquences potentiellement préjudiciables pour ces dernières. L’évolution positive des représentations sociales de l’autisme concernerait majoritairement les personnes porteuses du syndrome d’Asperger (autisme de niveau 1 selon le DSM-5), tandis que celles porteuses d’un autisme avec une symptomatologie plus marquée (niveaux 2 et 3) continueraient à être perçues à l’aune d’une vision presque exclusivement déficitaire, remettant par là en question la pertinence de la notion de « spectre autistique », ainsi que la suppression du diagnostic de syndrome d’Asperger.

Les mécanismes mis en évidence dans cet article, dont l’objectif est avant tout de circonscrire et de rassembler un ensemble d’observations, restent cependant à préciser et à expliquer.

Ces mécanismes ne posent pas uniquement la question de l’évolution du contexte social et culturel amenant à élargir les critères diagnostiques en partie responsables d’un accroissement de la prévalence des TSA, mais aussi celle des outils et des processus diagnostiques, qui, selon Eric Fombonne (2023), pourraient s’avérer défectueux, surtout lorsque ces outils diagnostiques sont utilisés par des professionnels qui ne sont pas, ou insuffisamment, formés à l’autisme. En effet, les tests ne se suffisent pas à eux-mêmes et ne peuvent pas se substituer à la sensibilité clinique des professionnels ayant une connaissance et une expérience solides de l’autisme. Or, du fait d’un manque d’institutions spécialisées dans l’autisme, de plus en plus de professionnels, dont des psychologues en libéral, parfois insuffisamment formés à l’autisme, tentent de pallier le manque en proposant de faire passer les tests diagnostiques, au détriment parfois de la fiabilité de ces diagnostics.

Par ailleurs, est-ce que l’augmentation de la demande de diagnostics de syndrome d’Asperger, voire l’augmentation des auto-diagnostics, pourrait être expliquée, dans certains cas17, par ce qui pourrait s’apparenter à une quête identitaire ? En effet, d’après mes expériences en tant que psychologue clinicienne, un grand nombre de personnes venant avec des questionnements autour d’un potentiel diagnostic d’autisme, ou bien s’affirmant porteuses du syndrome d’Asperger sans diagnostic officiel, trouvent dans les descriptions de l’autisme une réponse à leurs difficultés dans leurs relations aux autres, à un sentiment de malaise vis-à-vis des attentes sociales, à un vécu de solitude, de décalage et d’inadaptation. La souffrance résultant de ce vécu trouverait une forme de confirmation extérieure sous la forme du diagnostic, ou de l’auto-diagnostic d’autisme, qui viendrait leur apporter une réponse valorisante tout en leur expliquant qui elles sont et comment elles fonctionnent, leur épargnant de devoir partir en quête d’explications parfois plus difficiles et moins valorisantes sur le plan personnel, en tous cas qui ne s’origineraient pas dans une structure neuronale, mais parfois dans une fragilité psychique.

Ainsi, pour des personnes en quête d’explications à ce type de vécu, l’identification à la symptomatologie autistique, notamment en ce qui concerne les difficultés dans les relations sociales, peut servir à contrer la souffrance entraînée par ce vécu d’inadéquation sociale en proposant une « identité » d’emprunt, une « identité » autistique. Cependant, les difficultés restent présentes, et le problème de cette « solution » est qu’elle n’est pas satisfaisante sur le long terme, puisqu’elle apporte finalement une réponse erronée à une souffrance véritable, qu’une psychothérapie pourrait permettre de traiter.

Il est possible à ce niveau de se questionner sur l’influence d’Internet, qui regorge d’informations superficielles et imprécises, voire de témoignages parfois douteux. De plus, depuis que l’autisme est considéré comme relevant d’un « spectre », il peut s’avérer difficile, pour des personnes découvrant l’autisme sur Internet, de se représenter qu’il ne s’agit pas tant, entre autisme et non autisme, d’une différence fondamentale de nature, mais de degré, et que les difficultés de socialisation ne sont qu’un aspect de l’autisme. Enfin, ce problème peut aussi être vu sous un autre angle (qui n’exclut pas le précédent), c’est-à-dire sous la question du poids des normes sociales, qui, comme nous l’avons vu avec Michel Foucault, tendent à se substituer à la loi comme principe de régulation sociale. Ici encore, l’influence d’Internet et des réseaux sociaux peut être mentionnée, dans le sens où ils accentueraient une exigence d’adaptation, de normalisation, voire de mimétisme social, renforçant les exigences sociales et le conformisme, confrontant alors les individus à la difficulté, voire à l’impossibilité, de s’adapter à ces exigences ; ceux-ci ressentiraient avec plus d’acuité leurs différences, perçues alors comme des « bizarreries » ou des anomalies, poussant les individus à chercher à les expliquer et à les légitimer par un diagnostic.

1 Le syndrome d’Asperger correspondrait au niveau 1.

2 Ces accusations ont été à la fois confirmées par Edith Sheffer (2018) et à la fois démenties par Dean Falk (2020).

3 Réalisée dans le Laboratoire d'Anthropologie Sociale et Culturelle de l'Université de Liège, sous la direction de Véronique Servais, parue en 2021

4 Terme inspiré du nom d'Asperger.

5 L’élargissement des critères diagnostiques n'explique cependant pas à lui seul l'augmentation du nombre de cas d'autisme : selon Bruno Gepner (2014)

6 « Decade of the brain »

7 « Biocitizenship »

8 Cette conception de l'autisme n'est pas sans provoquer des polémiques : cette question sera soulevée plus loin.

9 Que l'on pourrait traduire par « béquille » ou « prothèse ».

10 Ces questions sont approfondies en lien avec la notion de liminalité et les théories de Goffman dans ma thèse, ainsi que dans un article (à

11 Par exemple, le risque de subir du harcèlement scolaire est trois fois plus élevé pour les enfants et adolescents autistes (Humphrey & Symes, 20

12 Cette tendance au sur-diagnostic peut aussi être observée concernant le TDA/H, comme en alertent Emmanuelle Piquet et Alessandro Elia (2021).

13 « Looping effect »

14 « Interactive kind »

15 Il a été cependant démontré que l’autisme s’accompagne de particularités neurologiques (Desaunay et al., 2014 ; Yang et al., 2016 ; Ouyang et al.

16 Elle se fait aujourd'hui appeler Sarita, mais l’article cité était signé du nom de Vincent.

17 Les auto-diagnostics d’autisme peuvent être parfaitement pertinents et tout le monde ne souhaite pas s’engager dans un parcours diagnostique long

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Notes

1 Le syndrome d’Asperger correspondrait au niveau 1.

2 Ces accusations ont été à la fois confirmées par Edith Sheffer (2018) et à la fois démenties par Dean Falk (2020).

3 Réalisée dans le Laboratoire d'Anthropologie Sociale et Culturelle de l'Université de Liège, sous la direction de Véronique Servais, parue en 2021 sous le titre : « Une socio-anthropologie du syndrome d'Asperger. Regards obliques sur le monde moderne ».

4 Terme inspiré du nom d'Asperger.

5 L’élargissement des critères diagnostiques n'explique cependant pas à lui seul l'augmentation du nombre de cas d'autisme : selon Bruno Gepner (2014), les facteurs environnementaux ont une influence sur le développement d’un syndrome autistique par l’intermédiaire de mécanismes épigénétiques ou par toxicité directe sur le système nerveux du fœtus et du bébé. Différents facteurs de risques ont pu être identifiés (Michelle et al., 2017), dont les deux principaux sont les facteurs physiologiques (âge avancé des parents, prématurité, petit poids de naissance, complications pendant la grossesse), et chimiques (pollution). Certains métaux lourds (mercure, plomb) sont supposés causer des pathologies du développement cérébral et contribuer au développement d’un syndrome autistique (Kern et al., 2012). L'autisme pourrait donc en partie avoir pour origine des atteintes cérébrales devenues plus fréquentes du fait des différentes sources de pollution.

6 « Decade of the brain »

7 « Biocitizenship »

8 Cette conception de l'autisme n'est pas sans provoquer des polémiques : cette question sera soulevée plus loin.

9 Que l'on pourrait traduire par « béquille » ou « prothèse ».

10 Ces questions sont approfondies en lien avec la notion de liminalité et les théories de Goffman dans ma thèse, ainsi que dans un article (à paraître).

11 Par exemple, le risque de subir du harcèlement scolaire est trois fois plus élevé pour les enfants et adolescents autistes (Humphrey & Symes, 2010).

12 Cette tendance au sur-diagnostic peut aussi être observée concernant le TDA/H, comme en alertent Emmanuelle Piquet et Alessandro Elia (2021).

13 « Looping effect »

14 « Interactive kind »

15 Il a été cependant démontré que l’autisme s’accompagne de particularités neurologiques (Desaunay et al., 2014 ; Yang et al., 2016 ; Ouyang et al., 2017 ; D’Albis et al., 2018).

16 Elle se fait aujourd'hui appeler Sarita, mais l’article cité était signé du nom de Vincent.

17 Les auto-diagnostics d’autisme peuvent être parfaitement pertinents et tout le monde ne souhaite pas s’engager dans un parcours diagnostique long, onéreux, et dont l’utilité peut apparaitre très relative, et je ne remets pas en question la légitimité des demandes de diagnostics : comme je l’ai démontré, un bon diagnostic peut apporter une aide considérable.

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Author

Anna-Livia Marchionni

Université Lumière Lyon 2.
Psychologue clinicienne en libéral à Metz après avoir été ATER en psychologie clinique à l'université Lumière Lyon 2 (CRPPC), Anna-Livia Marchionni a réalisé une thèse de socio-anthropologie sur l’autisme (« syndrome d’Asperger ») à l'université de Liège (LASC). Ses recherches ont porté jusqu’alors sur l'influence des particularités d'intégration sensorielle des personnes autistes sur leurs représentations des éléments vivants non-humains.

al.marchionni@laposte.net

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