Le paysage des zones d’activités économiques du Sillon Lorrain entre banalité et tentatives de débanalisation ?

DOI : 10.48649/pshs.285

Résumé

Les périphéries des villes françaises offrent un paysage tellement réitéré, franchisé, qu’il en devient banal. C’est essentiellement dans ces territoires suburbains que l’idée de « France moche » est médiatiquement portée depuis quelques années, et cela concerne notamment les zones d’activités économiques (ZAE) constituées de hangars fonctionnalistes dénigrés comme des « boites à chaussures » et abritant tous types d’activités, de l’industrie aux commerces de toute taille en passant par du stockage, de la logistique, des loisirs, des bureaux et des services. Après avoir questionné cette idée de paysage banal, ce travail, à partir d’exemples pris dans le Sillon Lorrain, axe majeur du territoire lorrain, s’attachera à montrer en quoi ces paysages des ZAE sont considérés comme banals et comment des tentatives de débanalisation ont lieu, le tout en s’appuyant principalement sur des visites de terrain et des photos au sol.

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Mots-clés

Zone d'activité économique, paysage banal

Index géographique

Sillon lorain

Plan

Texte

Introduction

La notion de banal, telle que définie dans l’appel à communications de ce numéro, est rattachée à l’idée du quotidien, de l’ordinaire. Cette idée de banal (et de débanalisation) peut s’appliquer aux paysages, dont certains sont qualifiés de remarquables (et parfois même protégés et classés en tant que tels), constituant de véritables ressources touristiques… ce qui signifie que d’autres paysages sont moins remarquables, plus ordinaires, banals en somme, avec la connotation quelque peu péjorative que ce terme peut prendre.

En géographie, science humaine et sociale discipline des auteurs, le paysage joue un rôle fondamental :

  • en tant qu’objet d’étude, du développement universitaire de la discipline autour de l’École Française de Géographie de Paul Vidal de la Blache à la fin du XIXsiècle, à aujourd’hui dans une acception plus culturelle et plus sensible qui sera évoquée plus loin ;
  • en tant que méthode d’analyse du territoire, objet d’étude principal du géographe ; méthode qui sera, entre autres, utilisée ici.

Le paysage permet ainsi une entrée sensible, liant culture et matérialité, complétant les habituelles entrées quantitatives (données chiffrées de population, de production, etc.) et qualitatives (entretiens, enquêtes, etc.) pour comprendre comment est organisé et comment fonctionne un territoire. En ce sens, le paysage banal est tout autant signifiant et structurant qu’un paysage remarquable parfois mondialement connu.

Parmi ces paysages considérés comme ordinaires, quotidiens, voire banals, ceux de périphéries urbaines1, aux formes facilement identifiables (grands ensembles, lotissements pavillonnaires, voies de contournement et pénétrantes, zones d’activités économiques, etc.), sont parmi les plus décriés. Ils sont issus d’un processus d’étalement urbain qui concerne autant les fonctions résidentielles que productives (Lejoux et Charieau, 2019). En effet, cet étalement urbain s’accompagne de transformations profondes de l’activité économique : la désindustrialisation (en tout cas au sens de la disparition de très nombreux grands sites industriels à l’identité forte qui marquaient autrefois le paysage), l’essor de nouveaux modes de consommation (supermarchés, galeries marchandes, centres commerciaux géants…), de loisirs, la généralisation des mobilités automobiles chez les particuliers et du « tout poids lourd » dans la logistique des entreprises, ont fait émerger un espace singulier : les zones d’activités économiques (ZAE). Ces ZAE sont au cœur de l’habiter suburbain et de la vie économique du pays, bien qu’elles soient rarement mentionnées explicitement. Dans leur enquête sur les modes d’habiter périurbains, Laurent Cailly et Rodolphe Dodier (Cailly et Dodier, 2007) insistent sur les différences d’habiter liées au genre, à l’âge et aux écarts sociaux sans s’attacher aux paysages et lieux précis des pratiques habitantes. Cependant, ils s’attardent sur cette catégorie d’habitants d’espaces périurbains qui fréquentent en priorité des « centralités périphériques » par crainte des centres urbains traditionnels, une population « que l’exurbanisation […] a en quelque sorte « décitadinisé » et qui adopteraient en conséquence une « idéologie antiurbaine » (Cailly et Dodier, 2007). D’autres catégories d’habitants revendiquent au contraire l’accès au centre-ville ; il s’agit sans surprise en priorité des actifs occupant des emplois qualifiés, mobiles et amenés à fréquenter les centres urbains ne serait-ce que pour leur travail. Quoi qu’il en soit, une part importante de la population vit dans un environnement suburbain et fréquente assidûment, par goût, par commodité ou pour des raisons professionnelles, les ZAE.

Ces ZAE présentent toutes en apparence un paysage assez similaire qualifié « d’entrée de villes »2, constitué de voies rapides articulées par des ronds-points, de parkings, de panneaux publicitaires, et surtout de hangars fonctionnalistes de différentes générations, dénigrés comme des « boites à chaussures » (Renard-Grandmontagne, 2004) et accueillant, en fonction des zonages des activités industrielles, des commerces de toute taille en passant par du stockage, de la logistique, des loisirs, des bureaux et des services… Dans leur Dictionnaire de l’aménagement et de l’urbanisme, Pierre Merlin et Françoise Choay (2015) déplorent la « médiocrité » de ces ZAE ainsi que « le recours à des matériaux bon marché, à des formes banales (les “boîtes à chaussures”) » qui forment ainsi selon eux « la première image que les visiteurs ont de la ville » (Merlin et Choay, 2015). Cette vision critique et sans nuance du paysage des espaces d’activités périphériques est devenue un lieu commun de la réflexion sur les paysages urbains, bien représenté par la une de Télérama consacrée à un article sur la « France moche »3, assortie d’une photo donnant un aperçu d’un paysage à la fois familier et ici décrié. Un prix de la France Moche est même organisé par l’association Paysages de France, qui entend ainsi sensibiliser les citoyens et les pouvoirs publics « contre toutes les atteintes au paysage et au cadre de vie et contre toutes les formes de pollution, notamment visuelle, dans les paysages urbains et non urbains, y compris maritimes et aériens »4. Le « palmarès 2023 » comporte entre autres la ZAE de Chavelot au nord d’Épinal dans le Sillon Lorrain, territoire de référence de cette présente recherche.

Les ZAE sont ainsi, par leur multiplication et la réitération de leurs formes spécifiques, particulièrement représentatives de ces idées d’un paysage banal et cette idée sous-tendra le propos de ce travail. Ces paysages des ZAE devront donc être à la fois décrits, expliqués et néanmoins discutés et nuancés pour comprendre en quoi et pourquoi sont-ils considérés comme banals, et de quelle façon cette banalité pousse à des réactions. En effet, au cœur de ce paysage considéré comme ordinaire, quotidien, péjorativement banal, voire « moche », il existe des actions, d’abord ponctuelles, puis plus récemment plus amples, pour distinguer ces ZAE dans des tentatives de débanalisation paysagères pas toujours bien maîtrisées.

À partir d’exemples pris dans le Sillon Lorrain5, axe majeur du territoire Lorrain dominé par deux villes importantes (Metz et Nancy), mais aussi marqué par la présence de villes intermédiaires comme Pont-à-Mousson ou Toul, ce travail, effectué dans le cadre de la préparation d’une thèse sur les paysages du quotidien dans les espaces suburbains, est principalement appuyé sur une démarche de terrain avec des visites répétées, à la fois en semaine, le samedi et le dimanche, avec donc des fréquentations très diverses et permettant d’aborder plus facilement, par la photographie au sol, les établissements, notamment industriels. Cette méthode choisie a essentiellement porté sur la partie centrale du Sillon Lorrain, entre Nancy et Metz et notamment autour de Pont-à-Mousson, à mi-chemin. La première raison est la grande l’attractivité de ce secteur, en raison de sa position centrale, pour les entreprises de toutes sortes et les consommateurs, et donc la multiplicité et la diversité des ZAE, dont certaines sont très récentes. La seconde raison est d’ordre pratique avec une accessibilité rapide par rapport aux domiciles des auteurs, la démarche de terrain ayant été essentielle à ce travail. Néanmoins des exemples ailleurs dans le Sillon Lorrain (voire ailleurs en Lorraine) seront parfois mobilisés.

Dans un premier temps, la question du lien entre paysage et banalité sera abordée et reliée au territoire d’étude dont le choix sera justifié. Ensuite, il s’agira d’aborder la notion de ZAE avant d’expliquer pourquoi elles sont considérées comme banales, en lien avec leur constitution et leur réitération. Enfin, il sera question d’aborder, dans la partie centrale du Sillon Lorrain, les tentatives de débanalisation, autour principalement de deux courtes études de cas où cette débanalisation se manifeste de façon différente.

I – Paysage et banalité dans les périphéries urbaines du Sillon Lorrain

A – Qu’est-ce qu’un paysage banal ?

La notion de paysage est très abondamment définie et analysée, en géographie comme dans les autres sciences sociales. Retenons ici, parmi beaucoup d’autres, la définition proposée par Jean-Louis Tissier (Tissier, 2013) qui pose des éléments fondamentaux : « Agencement matériel d’espace — naturel et social — en tant qu’il est appréhendé visuellement, de manière horizontale ou oblique, par un observateur. Représentation située, le paysage articule plusieurs plans permettant l’identification des objets contenus et comprend une dimension esthétique ». Le paysage est subjectif par essence, puisqu’il dépend du regard d’un acteur social, un regard construit et informé par des représentations aussi bien personnelles que collectives. Pour autant, cette subjectivité opère sur un espace dans sa matérialité et dont l’agencement est une construction sociale. Interroger la banalité, qui est l’état normal des choses (et en ce sens non remarquable, non saillante) d’un paysage revient donc à se poser à la fois la question du regard (les facteurs d’émergence du banal comme grille de lecture du paysage) et de la matérialité des agencements spatiaux considérés comme tels. Le paysage banal peut en conséquence être compris d’une part comme le paysage qui n’est pas l’objet d’un regard issu d’une posture de recherche du singulier, de l’exceptionnel ou du beau, mais plutôt d’une attention particulière donnée à ce qui en temps normal ne suscite pas d’intérêt. D’autre part, dans sa matérialité, le paysage banal peut être compris comme le résultat de facteurs de production de l’espace tellement omniprésents et répétitifs qu’ils ne sont pas questionnés en règle générale. Si la banalité est définie par le Petit Larousse comme « quelque chose qui ne s’écarte pas du cours normal des choses », de « courant, d’ordinaire », avec un sens secondaire du terme autour du « manque d’originalité, de personnalité », elle reste néanmoins « en partie tributaire du point de vue d’un sujet, inscrit dans une société et une époque données »6 et varie donc dans le temps, ce qui est particulièrement le cas pour les ZAE, nouvelles et attractives à la fin des Trente Glorieuses (chaque commune veut sa Zone Industrielle et sa Zone Commerciale ; chaque métropole veut son Ikea) et progressivement décriées car omniprésentes et répétitives, jusqu’en arriver à être au cœur de la fameuse « France moche ».

La banalité est donc relative et analyser un paysage banal revient à prendre du recul sur ce qui se laisse en temps normal oublier par son omniprésence même. En postulant en 2010 dans l’article de Télérama déjà cité que la France était devenue moche en évoquant les espaces périurbains (« Échangeurs, lotissements, zones commerciales, alignements de ronds-points… »), les deux auteurs ne faisaient-ils pas le procès du banal ? Les ZAE sont pourtant des territoires quotidiens de travail, de consommation et de vie d’une part importante de la population. Il faut sortir donc du jugement esthétique pour comprendre la production ordinaire de l’espace et les formes non spectaculaires de territorialisation. Comme le note Élise Temple-Boyer (Temple-Boyer, 2014), « la dépréciation du paysage quotidien est la contrepartie de la valorisation des paysages extraordinaires » : critiquer le banal, c’est se placer au-dessus de celui-ci, faire œuvre de distinction au sens que Pierre Bourdieu donne à ce terme (Bourdieu, 1979).

Il convient ainsi ici de faire un pas de côté et de prendre au sérieux ces paysages d’activité banals, en laissant de côté le jugement esthétique, qui prend bien souvent une dimension sociale et politique masquée. S’il est impossible d’objectiver la valeur d’un paysage, il est en revanche possible d’en analyser les formes. L’anthropologue Marc Augé, en introduisant le concept de non-lieux en 1992 (Augé, 1992), fait du caractère itératif, géométrique, dénué d’attache aux traditions locales et fonctionnelles un élément d’une « surmodernité » qui a pu être attractive à sa naissance dans la seconde moitié du XXsiècle : les lieux de la mondialisation et du capitalisme contemporain (gares, aéroports, centres commerciaux, entre autres) fonctionnent selon un modèle identique et rationalisé qui permet une circulation fluide et l’optimisation marchande des lieux. Si Marc Augé ne mentionne pas spécifiquement les paysages des activités économiques, force est de reconnaître une certaine pertinence au concept de non-lieu pour décrire et analyser les paysages des ZAE. Les hangars fonctionnalistes sans fenêtres, ouverts seulement par des portes de livraison et l’entrée du personnel, bon marché et rapides à construire, permettant par leur taille des économies d’échelles, conviennent bien au besoin d’espace des activités économiques contemporaines. De plus, le coût du foncier, moindre en périphérie urbaine que dans les faubourgs industriels (Barbier, 2023) lieux initiaux des implantations industrialo-urbaines du XIXsiècle et début du XXsiècle, joue un rôle fort dans le développement et donc la multiplication de ces ZAE. L’efficience économique l’emporte ainsi largement sur toute autre considération en la matière.

Faut-il y voir, comme le fait David Mangin (Mangin, 2005), le résultat du triomphe d’un ordre néolibéral de l’urbanisation aboutissant à la sectorisation des villes dans un mouvement qui va des centres-villes jusqu’aux espaces périurbains ? Cette sectorisation marchande fondée sur l’usage de l’automobile et le triomphe d’un ordre économique marqué par les loisirs, la consommation et l’individualisation des modes d’habiter produit des formes similaires dans le monde, en particulier dans les pays à hauts niveaux de consommation. Plateformes logistiques, technopôles, parcs de loisirs, zones d’activité et pavillons individuels articulés autour de voies rapides transforment inexorablement l’échelle des territoires et créent une sorte d’espace intermédiaire banal (Bonerandi et Roth, 2007) entre espaces métropolitains et espaces ruraux, bien difficile à définir notamment statistiquement (Christiane Rolland-May parle d’espaces flous – Rolland-May, 2001) qui répondent donc à des formes d’habiter contemporaines à l’échelle mondiale.

B – Le Sillon Lorrain : un axe urbain propice au déploiement des ZAE

Le Sillon Lorrain n’échappe pas à cette dynamique d’expansion des ZAE au paysage banal en périphérie de ses villes. Le Sillon Lorrain s’impose comme un découpage pertinent de l’espace du nord-est de la France lorsque l’on prête attention à cet axe urbain situé entre la dense plaine d’Alsace à l’Est et l’aire d’attractivité de Paris à l’Ouest. Comme le souligne Julien Gingembre (Gingembre, 2018), le Sillon Lorrain, bien que difficile à cadrer, est un espace reposant sur une dynamique propre et ancienne, au-delà des tentatives d’institutionnalisation qui ont fait long feu. En effet, une association est formée en 2005 pour formaliser un réseau de quatre villes situées sur la Moselle et un de ses affluents, la Meurthe7 : Thionville, Metz, Nancy et Épinal. En décembre 2011, cette association devient le « Pôle métropolitain européen du Sillon Lorrain » dans le cadre de la loi du 16 décembre 2010 relative à la Réforme des Collectivités. Son but est alors de promouvoir, selon l’esprit de la loi, le dynamisme économique, la recherche, l’enseignement supérieur, l’innovation, la culture ou encore le développement des transports. Entre-temps, la loi NOTRe et l’imposition d’un cadre intercommunal a en grande partie vidé ce Pôle européen de son sens, bien qu’il existe toujours officiellement. « Espace métropolitain émergent » [ibid.], le Sillon Lorrain est donc un axe urbain multipolaire, mais peut-être pas un « espace vécu multipolaire » [ibid.], en raison des discontinuités entre les bassins de vie du Sillon Lorrain. Néanmoins, l’importance des navettes domicile-travail le long de cet axe, en particulier en direction du Luxembourg ou entre Nancy et Épinal, et un certain nombre de réalités institutionnelles (les sites de l’Université de Lorraine par exemple) donnent une unité à cet axe, ainsi qu’une colonne vertébrale à une ex-région devenue un espace vécu au sein de la région Grand-Est créée en 2016 : la Lorraine.

Cet axe à la multipolarité urbaine et à l’excellente accessibilité multimodale et notamment routière a donc concentré la majorité des ZAE du territoire lorrain, comme on le voit sur la figure 1. En quoi ces ZAE produisent-elles un paysage banal ?

Figure 1 : La localisation des ZAE sur le territoire Lorrain, un inventaire empirique

Image

S. Edelblutte, 2024

II – La ZAE, archétype du paysage banal ?

A – La ZAE, un espace conçu comme utilitaire

L’essentiel des activités économiques situées en périphérie des villes se trouve ainsi localisé dans une zone aménagée, portant ou non le titre de « zone d’activité économique », et il convient donc de définir ce que recouvre cette expression. Patricia Leroux et Corentin Charieau proposent de définir une ZAE comme « une portion de l’espace urbain spécialement aménagée et équipée pour accueillir les entreprises hors des espaces centraux. » (Lejoux et Charieau, 2019). Le CEREMA (centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) donne également une définition — très précise — d’une ZAE : « La zone d’activités économiques désigne la concentration ou le regroupement d’activités économiques (artisanales, tertiaires, industrielles et logistiques) sur un périmètre correspondant à une opération d’aménagement réalisée par un maître d’ouvrage public ou par des promoteurs/investisseurs privés qui vont céder ou louer les terrains et les bâtiments à des entreprises ». (CEREMA, 2014). Nous pouvons retenir ici quelques caractéristiques centrales dans notre réflexion :

  • le caractère périphérique des ZAE mis en avant par la définition de Patricia Leroux et Corentin Charieau ;
  • leur aménagement planifié, conçu spécifiquement pour accueillir des activités très diversifiées (« artisanales, tertiaires, industrielles et logistiques ») ;
  • le zonage qui fait de ces ZAE des territoires spécifiques au plein sens du terme, c’est-à-dire des espaces appropriés, quand bien même ils seraient mal identifiés.

Ces territoires d’activité sont des zones aménagées, même a minima, aux dénominations fluctuantes, signe de la difficulté à cadrer la nature des productions qui peuvent s’y localiser et des hésitations des politiques locales en la matière. En effet, initialement plutôt zones industrielles (ZI), puis zones artisanales (ZA), zones commerciales (ZC), voire zones artisanales et industrielles ou zones d’activité industrielle (ZAI), ces espaces deviennent ZAE avec l’essor de l’automobile et des nouveaux besoins des consommateurs (mais également ceux des artisans, industriels et commerçants), qui pousse à y diversifier les activités et donc à leur donner une dénomination plus large tenant compte de cette diversité. Les collectivités locales commencent alors à planifier des espaces dédiés à la consommation et à la production en périphérie des villes et faciles d’accès en voiture. Placées sous le régime juridique du permis d’aménager, ces zones de taille très variable sont viabilisées par les collectivités locales puis aménagées par des acteurs privés. À ce titre, ces zones d’activité sont soumises aux règlements d’aménagement et d’urbanisme des communes dans lesquelles elles sont situées. Officiellement néanmoins, les termes de zone d’activité (ZA) ou de zone d’activité économique (ZAE) sont plus récents et correspondent à des évolutions juridiques : la loi NOTRe du 7 août 2015 confère aux EPCI la gestion des ZAE, regroupant alors sous ce terme toutes les zones citées précédemment de manière générique. C’est la loi Climat et Résilience du 22 août 2022 qui donne enfin une définition juridique aux ZAE inscrite dans le Code de l’urbanisme8 : « Sont considérées comme des zones d’activité économique, au sens de la présente section, les zones d’activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire mentionnées aux articles L. 3641-1,L. 5214-16,L. 5215-20,L. 5216-5,L. 5217-2 et L. 5219-1 du Code général des collectivités territoriales ».

Les ZAE sont donc omniprésentes en France et dans le reste du monde, et pourtant relativement discrètes dans la recherche en sciences sociales, dans les réflexions sur l’aménagement urbain ou même dans les œuvres de fiction. Comme le soulignent Patricia Lejoux et Corentin Charieau,

« Composante banale de nos paysages urbains, la zone d’activités économiques participe activement aux processus d’urbanisation contemporains. Pourtant, elle constitue un objet urbain peu visible dans le champ de l’aménagement et de l’urbanisme »

Alors même que l’expansion périurbaine résidentielle des villes est bien analysée, en géographie en particulier, c’est l’expansion périurbaine des activités économiques qui semble souffrir d’un défaut d’attention. Peut-on attribuer ce désintérêt à la difficulté intrinsèque à distinguer le banal dans son omniprésence ? Quelques auteurs ont toutefois contribué à alimenter la recherche sur le sujet.

Pour David Mangin, les zones d’activités économiques s’apparentent à des « territoires franchisés », c’est-à-dire à « de grandes emprises privées ou publiques, gardées, accessibles seulement sous conditions » (Mangin, 2004).

Considérées comme des laboratoires d’un ordre néolibéral de l’urbain, les ZAE sont pour David Mangin des lieux de dissolution des espaces publics et des possibilités de déambulation, de cohabitation, caractéristiques des centralités urbaines. S’y développeraient des modes de gestion de l’espace qui finissent par englober l’ensemble de l’urbain, sous l’emprise d’acteurs privés à la recherche du profit.

Colette Renard-Grandmontagne, en 2004, considère « les zones d’activité » (et non les zones d’activité économique, signe de l’évolution rapide des dénominations de ces espaces et de leurs fonctions) comme des espaces de conquête urbaine portés en particulier par les activités commerciales, mais pas seulement. L’auteur pointe notamment la discrétion des « zones industrielles »9, qui « ne sont pas des lieux de promenade, de déambulation », et où « le réseau viaire ne semble emprunté que par des automobilistes qui ont à faire dans la zone » (Renard-Grandmontagne, 2004, p. 28).

L’auteur note en outre – en opposition en cela aux zones commerciales – le caractère cloisonné et surveillé des locaux d’entreprise dans ce type de zones, le faible affichage de leur raison sociale, ainsi que la juxtaposition de plusieurs générations de styles architecturaux propres aux activités industrielles, des bâtiments à sheds les plus anciens jusqu’à l’architecture métallique plus récente qui permet des formes plus fantaisistes ou fonctionnelles, selon les objectifs des commanditaires. Néanmoins, une tendance plus récente à une certaine affirmation des industriels dans les ZAE, sera abordée en partie III.

Les ZAE sont également des lieux de centralités secondaires, très fréquentées, malgré leur banalité paysagère, et donc « lieux forts », au sens donné par Julie Vallée (Vallée, 2021) à certains moments de la journée et de la semaine et plutôt « lieux faibles » à d’autres (le dimanche par exemple). Elles sont en effet formées de contraintes logistiques pour le déploiement de la grande distribution, des services marchands divers et de l’activité industrielle autour desquelles un « habiter » se crée. Séverine Bonnin-Oliveira (Bonnin-Oliveira, 2013) évoque un polycentrisme émergent à propos des ZAE de la périphérie toulousaine, supports d’une périurbanisation résidentielle et d’un habité proprement périurbain qui ne passe plus nécessairement par des navettes entre un périurbain dortoir et un centre urbain actif de jour. À Saint-Brieuc, Iwan Le Clec’h a aussi pu mettre en évidence le redéploiement de l’offre commerciale de centre-ville dans une zone commerciale périphérique aménagée à la sortie d’une rocade, les habitants de la ville-centre comme de la couronne périurbaine plébiscitant par la pratique ce péricentre commercial facile d’accès en voiture (Le Clec’h, 2020). L’exurbanisation du commerce correspond ici à un changement fondamental d’habiter qui passe par une dévaluation de certaines fonctions des centres-villes traditionnels.

B – Éléments de banalité de la ZAE

Comment comprendre alors la banalité paysagère des activités situées en périphérie des villes, y compris celles du Sillon Lorrain ? Faut-il y voir la marque des préceptes fonctionnalistes, tels qu’ils ont pu être formulés par Le Corbusier dans la Charte d’Athènes (Le Corbusier, 1943) ? Si Le Corbusier insistait sur le zonage fonctionnel des villes et la séparation des modes de mobilité, il insistait également sur la métrique piétonne et la nécessité de faire des aménagements utilisables par les piétons, sur les liens de proximité et de continuité à instaurer entre les zones de la ville et sur le haut niveau d’exigence architecturale que les travailleurs et résidents des villes étaient en droit d’attendre. Or, les ZAE des villes françaises semblent plus répondre à un principe d’opportunité de la part des élus locaux et d’un aménagement au coup par coup en lien avec des questions de coût du foncier, qu’à une planification rigoureuse et intégrée de l’aménagement du territoire d’une commune ou d’une intercommunalité, en lien avec des préceptes théoriques.

La banalité paysagère des ZAE se manifeste selon différents registres, sensibles à des échelles variées ; ainsi à certains égards, les ZAE peuvent être conçues comme un archétype du paysage banal. Le premier registre de la banalité est d’abord, abritant l’activité, le bâtiment qui marque le paysage. Les ZAE sont en effet constituées essentiellement de bâtiments standardisés, parallélépipédiques et de plain-pied, qualifiés péjorativement de « boîte à chaussures ». Il s’agit du résultat d’une architecture dite fonctionnaliste où la forme découle de la fonction. L’idée est aussi que la valeur esthétique du bâtiment sera issue de sa parfaite adaptation à sa fonction, dans une forme épurée sans ajout de décorations inutiles ou tape-à-l’œil. Ces principes remontent au début du XXsiècle, avec notamment Louis Sullivan, architecte de Chicago qui résume le principe du fonctionnalisme par une phrase courte : form follows function (la forme suit la fonction). Dans le même ordre d’idée, le mouvement Bauhaus, né à Weimar (Allemagne) en 1919, préconise pour l’industrie, autour d’un langage abstrait et géométrique qui s’inspire du cubisme, avec des matériaux simples et montrés pour eux-mêmes (brique, acier, verre, ciment, béton), « une construction précise, économique, dans la réduction des cloisonnements, dans la sobriété et la non-ambiguïté des images architecturales [qui] maitrisent la forme des constructions industrialisées (unification des parois réduites à des surfaces lisses et homogènes, réduction des linéaires et des supports » (Monnier, p. 65-66). Le mouvement rayonne bien au-delà de sa fin officielle (1934), inspire et domine les réalisations d’usines de l’entre-deux-guerres aux années 1960, et, même si les matériaux évoluent avec le temps10, les bâtiments restent inscrits dans les zonages préconisés par la Charte d’Athènes déjà évoquée.

Ainsi, pour abriter des machines industrielles, des bâtiments légers, modulables, peu chers et faciles à adapter aux évolutions de la production, voient le jour. Si les dénominations sont variées et ont évolué, le terme de hangar revient souvent en raison de la légèreté de la construction qui repose sur une ossature métallique porteuse et des murs non porteurs, contrairement aux bâtiments traditionnels. Le développement de ce modèle est permis par les progrès de l’éclairage électrique autorisant des bâtiments aveugles, sans fenêtres, et donc enlève la contrainte de l’éclairage naturel qui avait imposé les modèles d’usines à étages (avec de très nombreuses fenêtres) lors de la première révolution industrielle et les modèles d’usines à sheds à éclairage zénithal lors de la seconde. Enfin, l’utilisation de matériaux légers et de formes simples et standardisées, produits en usine en série, entraîne des baisses de coût importantes par rapport à un bâtiment traditionnel.

Le second registre de la banalité de ZAE est l’importance de l’itération des formes et l’homogénéité qui en résulte : l’ubiquité et la fréquence de ces « boîtes à chaussures » constituent en effet un facteur puissant de banalité. En effet, les avantages du hangar fonctionnaliste font qu’il est vite utilisé au-delà des seules activités industrielles. Les activités de stockage, de logistique, de services, de commerce de gros ou de détail (avec dans ce cas des enseignes bien visibles…) utilisent rapidement ce type de bâtiment. Son utilisation s’étend même à l’agriculture où l’on construit les nouvelles fermes « comme tout bâtiment industriel, devant découler de notions essentiellement fonctionnelles, utilitaires et pratiques » (Govin, 1946, cité par Cividino, 2013) avec des principes architecturaux « appliqués depuis longtemps surtout pour les constructions industrielles » (Manuel de la maison rurale, 1950, cité par Cividino, 2013).

Ainsi, cette diffusion du modèle du hangar fonctionnaliste à de nombreuses activités participe grandement à la banalisation de ces mêmes espaces d’activités en créant des formes très répandues et répétées de très nombreuses fois autour de villes, même modestes. L’usine, comme le commerce ou des services divers, est, par l’intermédiaire de ce type bâtiment, diluée dans des zones anonymes et répétitives, créant une sorte de banalité dans la banalité (le bâtiment est banal dans une ZAE banale). En ce qui concerne l’industrie, cette dilution de l’usine au sein d’autres fonctions, participe, en l’exagérant, au sentiment d’une désindustrialisation par ailleurs bien réelle dans les pays anciennement industrialisés.

Le troisième registre de la banalité des paysages des ZAE est la présence d’éléments annexes tout aussi répétitifs que les bâtiments fonctionnalistes. Ainsi, la planification à des fins uniquement pragmatiques de la voirie, du stationnement, des mobilités, entraîne la multiplication de ronds-points (Bourgeat et Bras, 2023), de parkings, d’aires de retournement de camions, d’entrée de zones normées par des panneaux cartographiques indiquant l’emplacement des entreprises de la ZAE, etc. Tout ceci renforce le sentiment d’une répétition ubiquiste d’un modèle paysager identique.

Enfin le quatrième registre de la banalité des ZAE est leur concentration spatiale en périphérie des territoires urbains. La figure 1 de la partie I localise les ZAE de l’ancienne région Lorraine tout en spatialisant le Sillon Lorrain. Le choix de représenter ces ZAE sans distinction ni de taille, ni de type (ZI, ZC, ZA…), ni de désignation (d’Inova 3000 à Thaon-les-Vosges au Dynapôle de Ludres et Fléville-devant-Nancy), ni de leur origine (zone née sur des terrains agricoles ou sur d’anciens sites industriels comme la ZI de la Paix à Algrange ou Eiffel Énergie à Pompey), à partir d’un recensement effectué sur les cartes IGN, ne garantit certes pas l’exhaustivité (certaines zones parmi les plus petites ou les moins remplies ont pu échapper au repérage), mais donne un aperçu saisissant de la concentration de ces zones autour des villes grandes, moyennes ou petites. Le Sillon Lorrain, ici schématisé comme un axe nord-sud autour de la Moselle aux limites est et ouest floues, n’a pas été calqué sur sa délimitation institutionnelle très restreinte aux quatre grandes agglomérations. Il est souligné par l’emplacement de ces zones qui s’étirent à partir des villes le long de l’axe autoroutier à quatre voies reliant Thionville à Épinal. On voit même se dessiner les anciennes vallées sidérurgiques branchées sur le Sillon Lorrain comme celle de l’Orne où des ZAE ont pris place sur les friches industrielles de la sidérurgie (ZAE du Haut-des-Tappes à Homécourt par exemple), banalisant les anciens sites industriels sidérurgiques. Ainsi, lorsque l’on circule dans cet axe, la répétition de ces ZAE renforce le sentiment d’un paysage banal, d’autant plus que des ZAE sont présentes aussi, hors du Sillon, notamment en Moselle Est (ex-Bassin houiller), ou autour de villes secondaires (Saint-Dié-des-Vosges, Verdun, Bar-le-Duc).

Conscients des critiques associées à ces « zones », de nombreux acteurs cherchent à sortir de ce qui peut être conçu comme une forme de médiocrité (Merlin et Choay, 2015) sur le plan urbanistique et architectural.

III – Vers la débanalisation des paysages des ZAE du Sillon Lorrain ?

A – Une volonté de débanalisation à l’échelle du site

La banalité des ZAE est au cœur des diatribes dénonçant « la France moche ». Elle est donc récemment remise en cause, même si, dès les années 1980, J.-R. Pitte notait que « le style Bauhaus, qui a fait fureur des années 30 jusqu’à la fin des années 1960, a été supplanté par une architecture usinière plus fantaisiste grâce à l’aluminium, à l’acier inoxydable, aux charpentes en lamellé-collé, aux peintures en couleur vives » (Pitte, 1989, p. 115).

Ces nouveaux matériaux autorisent donc une plus grande fantaisie pour les « boites à chaussures », par ailleurs plus souvent commerciales qu’industrielles. Cependant, ils en brouillent encore plus la lisibilité et la marque paysagère en accentuant leur dilution. Ainsi, certains industriels n’hésitent pas à véritablement innover d’un point de vue architectural, au-delà des seuls matériaux, en adaptant des démarches plus fortes, sur une partie ou sur la totalité de leur site industriel.

Par exemple, l’industriel finlandais United Paper Mills (UPM) construit en 1989 à Pompey, autour du schéma de process de l’usine (production d’autocollants sous la marque Raflatac), un bâtiment original adoptant une forme de fuselage avec une sorte de proue pour le bâtiment principal et une annexe en forme d’aile d’avion. Si l’extension de 1995 n’a pas pu rééditer cette forme pour « compléter l’avion », elle épouse néanmoins le méandre de la Moselle et donne une bonne visibilité de l’usine depuis l’A31, axe majeur du Sillon Lorrain de l’autre côté de la rivière. L’usine, construite au sein de la ZAE Eiffel-Énergie, tranche au milieu des bâtiments fonctionnalistes d’une des plus grosses ZAE du Sillon Lorrain, par ailleurs née sur la friche sidérurgique de l’usine de Pompey qui avait produit l’acier de la Tour Eiffel à la fin du XIXsiècle. À quelques kilomètres plus au Nord, à Millery, toujours le long de l’A31 et donc bien visible, l’entreprise Home Institut Paris (aujourd’hui Cosbelle) implante en 2000, sur un site qu’elle occupe depuis 1971, un siège social entouré d’un mur-rideau de verre noir et blanc. Accolé au hangar fonctionnaliste banalement parallélépipédique qui abrite la ligne de production, ce bâtiment fait écrire à un ou une journaliste de La Lettre lorraine, en 2003, que « les bâtiments industriels se font une beauté »11. Enfin, plus récemment, la réussite industrielle et économique de Gris Group, entreprise spécialisée dans la fabrication de composants mécaniques, rondelles techniques de fixation et pièces techniques découpées, implantée depuis 1984 à Lesménils sur la ZAE de La Louvière (cf. figure 4), pousse l’entreprise à construire en 2020, devant l’usine fonctionnaliste, un nouveau siège social. Ce bâtiment est non seulement passif et à haute performance énergétique, mais aussi habillé d’une sorte de rideau de rondelles représentant à la fois la production de l’usine et sa réussite et, surtout, bien visible depuis l’A31 à laquelle le site est accolé (figure 2).

Figure 2 : Quelques sites industriels débanalisés dans le Sillon Lorrain

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Ces réalisations ont néanmoins un inconvénient, à chaque fois souligné, qui est celui de leur surcoût par rapport à un bâtiment classique. Dans sa thèse déjà citée, Colette Renard-Grandmontagne en précise le montant : environ 5 millions de francs pour un total de 95 millions pour Raflatac ; 900 000 euros pour le mur-rideau de Home Institut Paris. Ces actions ne concernent donc en premier lieu que des entreprises en bonne santé et travaillant dans des secteurs innovants et porteurs12. Ce constat rapproche ces initiatives d’une volonté récente (à partir des années 2010) de la part des autorités, de favoriser la réindustrialisation du pays et de le faire savoir par un soin porté à l’impact de cette réindustrialisation sur les paysages. Les démarches, initiatives et labels, soutenus financièrement, tels que les pôles de compétitivité, France Relance, les Territoires d’industrie… appuient vers cette visibilité, dans le tissu périurbain, de l’usine moderne et innovante. Cela contraste d’ailleurs avec la période précédente où, au sein des ZAE, Colette Renard-Grandmontagne indiquait la plus forte discrétion des usines par rapport aux commerces (cf. partie II).

Pour des raisons de temps imparti à cette recherche, un inventaire de toutes les débanalisations d’usines ou de services n’a pas pu encore être réalisé dans tout le Sillon Lorrain ; il en existe donc néanmoins des exemples. Ils restent cependant, dans la très grande majorité des cas, cantonnés à l’échelle du bâtiment (voire d’une partie) de production ou de services. Cependant, dans le Sillon Lorrain, deux exemples de réflexions plus poussées, à l’échelle de la ZAE entière, sur son paysage, peuvent être mentionnés.

B – Deux exemples de débanalisation plus ou moins aboutie à l’échelle des ZAE dans le Sillon Lorrain

Waves Actisud à Augny

La logique de concurrence commerciale ne pouvait qu’aboutir à un moment ou un autre à la volonté de certains acteurs de recourir à une architecture et un paysagement attractifs pour attirer les consommateurs. Le ZAE Waves Actisud, aménagé au sein de la Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) d’Augny, qui comporte en réalité quatre ZAE situées au sud de Metz, entre la Moselle à l’ouest et l’autoroute A31 à l’est, en est un exemple emblématique dans le Sillon Lorrain. Prévu dès 2011 et ouvert en 2014, ce centre est la propriété du groupe La Compagnie de Phalsbourg, et a été conçu par l’architecte Gianni Ranaulo. Cette ZAE est en fait un centre commercial qui se distingue par son toit spectaculaire en inox poli en forme de vague, bien visible depuis l’autoroute A31. Waves Actisud reprend à son compte les grands principes définis par l’architecte américain Victor Gruen (1903-1980), qui conceptualise les centres commerciaux modernes : le centre est organisé comme un véritable centre-ville piéton permettant la déambulation et la détente, à des fins de consommation (Paquot, 2019). Véritable recréation de villes européennes fantasmées par un exilé autrichien aux États-Unis, les centres commerciaux conçus par Victor Gruen reposent sur une critique de l’urban sprawl des suburbs américaines. Très paradoxalement, la mise en place de cet espace piéton n’est accessible qu’en voiture et, dans une faible mesure, en bus. En somme, le centre Waves Actisud reprend les codes des grandes galeries commerciales des hypermarchés, mais avec un souci du paysagement, des ambiances, des animations et de la cohérence stylistique qui transforment ce centre commercial en véritable parc d’attractions. La forme ondulée du centre et sa forte visibilité contrastent avec les nombreux hangars parallélépipédiques et fonctionnalistes blancs des enseignes alentours.

Formant un arc de cercle, le centre est organisé autour du parking, de façon à ce que les consommateurs puissent rayonner facilement vers les commerces, lieux de restaurations et espaces de déambulation du centre. Le parking est lui-même paysagé et traversé par des corridors piétonniers (figure 3a), afin d’éviter au maximum l’impression de monotonie des grands parkings « traditionnels ». Des codes esthétiques précis confèrent une certaine harmonie à l’ensemble : les cloisons extérieures en inox poli, le mobilier « urbain », la signalisation des commerces, etc. Le nom du centre est réitéré sous diverses formes un peu partout (figure 3b). Des espaces piétons ponctués par des jeux d’eau, de nombreux lieux de restauration assortis de terrasses (figure 3c) et même une salle de spectacle en plein air contribuent à tenter de transformer ce qui n’est après tout qu’une zone commerciale en semblant de centre-ville animé. À l’arrière du centre, sur le pourtour extérieur de cet arc et sous le toit en inox poli (figure 3d), on retrouve l’architecture des hangars fonctionnalistes avec ses façades aveugles et ses accès pour les livraisons, invisibles depuis l’autoroute. Dispositif fondamental de paysagement contribuant à créer une ambiance sereine, de nombreux espaces verts sont aménagés dans la zone commerciale. Des enceintes diffusent de la musique douce et des chants d’oiseaux artificiels. Des panneaux « pédagogiques » expliquent aux badauds le fonctionnement des ruches et les actions menées par une association apicole soutenue par le centre (figure 3e). Paradoxalement, alors même que le paysage des ZAE périphériques est assez largement décrié, l’arrivée de Waves Sud n’a pas échappé aux critiques, tant sur le plan esthétique que sur celui de la concurrence commerciale par rapport au commerce de centre-ville à Metz, ou vis-à-vis des enseignes de la zone d’activité alentour13. De fait, certaines enseignes présentes dans le ZAE Actisud ont déménagé à Waves Actisud à proximité pour profiter de son attractivité.

Waves Actisud pose enfin la question des limites des démarches de débanalisation : poussés par la concurrence, les promoteurs de ce centre ont créé ou recopié des formes qui si elles fonctionnent (ce qui semble être le cas) pourraient vite devenir banales à leur tour. En outre, le style architectural de Waves Actisud ou de l’usine Raflatac n’est finalement qu’une variante de celui des hangars fonctionnalistes, une esthétisation en façade qui ne remet pas en cause en profondeur ni les autres éléments de la banalisation avec ses formes d’urbanisation répétées et sous-jacentes (lotissement d’une zone aménagée à la sortie d’une autoroute ou d’une voie rapide), ni les logiques sociétales et spatiales profondes (un habité fondé sur les mobilités automobiles qui s’impose à la production économique, à la consommation, aux loisirs, à l’habitat) qui ont mené à cette banalisation.

Figure 3 : Le centre commercial Waves, un exemple de la volonté de débanalisation des ZAE commerciales

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P. Calenge, 2024

La ZAE de Bouxières-Lesménils

La ZAE de Bouxières-Lesménils offre une synthèse pertinente de ces dynamiques de banalisation/débanalisation des paysages d’activité dans le cadre du Sillon Lorrain. La ZAE, d’une superficie de 105 hectares, est située dans un triangle formé par l’autoroute A31 et la départementale D910 qui permet d’y accéder depuis Pont-à-Mousson, à quatre kilomètres de là. Située à mi-chemin entre Nancy (à 25 kilomètres au sud environ) et Metz (à environ 20 kilomètres au nord), elle est donc dans une excellente position, au sein d’une plaine agricole peu urbanisée (foncier moins cher), à proximité immédiate de la gare lorraine TGV de Louvigny et de l’aéroport régional ; elle est voisine de deux autres zones plus anciennes qui profitent également de ces atouts (figure 4) et s’inscrit donc dans un contexte de paysage d’activités très banal et déjà décrit plus haut. Cette ZAE a été aménagée par la Société d’Équipement du Bassin Lorrain (SEBL), une société d’économie mixte, pour le compte de la communauté de communes du Bassin de Pont-à-Mousson. Prévue par la commune de Lesménils dès 199114, la zone d’activité commence à prendre sa forme actuelle en 2016 avec la viabilisation des terrains (c’est-à-dire d’après le site de la communauté de communes15 « voirie grand trafic, giratoire d’accès, réseaux divers, éclairage public, fibre haut débit. ») par la SEBL et l’apparition des premières activités. Conçue pour accueillir des activités d’« Artisanat, services aux entreprises, haute technologie »16, la zone d’activité est appropriée par des acteurs qui cherchent à exploiter les possibilités offertes par l’accessibilité autoroutière (sortie 28 de l’A31) au cœur du Sillon Lorrain. L’effet d’opportunité dans l’aménagement de la ZAE est ici aussi bien partagé par les collectivités locales que par les acteurs économiques locaux.

Figure 4 : Le développement des ZAE autour de l’échangeur de Lesménils

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S. Edelblutte, 2024

On peut noter à l’entrée de la ZAE la mise en place d’une aire de covoiturage sponsorisée par le département de Meurthe-et-Moselle (figure 5a), équipée d’une borne de recharge pour les véhicules électriques. Cette aire permet de rationaliser l’utilisation des véhicules particuliers des navetteurs, une initiative encouragée par les entreprises et par un système de primes gouvernementales et régionales. Des concessionnaires automobiles exploitent la visibilité du site depuis l’autoroute, en mettant en scène par une architecture moderne l’affichage de leur identité et de leurs véhicules en vitrine (figures 5b et 5c), ce qui peut être vu comme une volonté de distinction et donc de débanalisation de la ZAE, tout en réitérant des mises en scène commerciales omniprésentes dans les périphéries urbaines. Les marques des véhicules vendus sont bien mises en évidence par des bannières et des logos. D’autres entreprises de services automobiles profitent de la localisation et de ses possibilités de promotion auprès des usagers de l’autoroute (figure 5d). Des sociétés de services, artisanales ou du bâtiment profitent aussi de cet emplacement commode pour afficher leur présence, c’est le cas de la société immobilière SCI Mercy II (figure 5e). Arrêt commode pour les navetteurs entre Nancy et Metz, voire entre Nancy et le Luxembourg, la ZAE commence à intégrer des activités qui répondent à des besoins quotidiens et la transforment en lieu de vie avec l’accueil d’une salle de fitness et bientôt d’une crèche (figure 5f), un élément qui tout en inscrivant la ZAE dans l’espace quotidien ordinaire des navetteurs, la démarque et la rend moins banale en un sens. La partie qui n’est pas visible depuis l’autoroute de la ZA accueille des activités logistiques et se révèle moins soignée, avec un paysage de hangars en acier plus terne et des dépôts de matériel (palettes, bâches, etc.), et donc cette fois banale dans ce type de zone. On peut noter cette asymétrie assez nettement dans le cas du concessionnaire Porsche (figure 5g). La zone est accessible en bus, mais l’aménagement des deux arrêts reste sommaire : un panneau avec les horaires, pas de trottoir ni d’abris (figure 5h). Le site n’est commode qu’en voiture, faute de piste cyclable ou de voies piétonnes, comme la très grande majorité des ZAE.

Cette ZAE récente correspond donc bien aux nouveaux usages des navetteurs et des habitants du bassin de Pont-à-Mousson, qui cherchent à optimiser leurs déplacements sur l’A31 ou la D910. Les activités représentées indiquent assez l’importance des besoins liés à l’automobile et à la rationalisation des journées de travail des navetteurs, à contre-courant des discours de l’État et des collectivités relatifs à la loi ZAN et à la nécessité de contraindre l’expansion urbaine en périphérie. Le site de la communauté de communes du Bassin de Pont-à-Mousson (dans la rubrique « développement économique ») indique clairement qu’il reste 65 hectares disponibles, et que trois autres ZAE sont également accessibles dans le bassin.

Récente (moins de dix ans), la ZAE de Bouxières-Lesménils tend à prouver qu’en dépit d’une condamnation assez généralisée de l’aménagement de zones d’activité considérées comme banales, voire médiocres sur le plan paysager, et néfastes sur le plan urbanistique, celles-ci répondent à un besoin perçu aussi bien par les collectivités locales, « lieux forts » des acteurs économiques locaux et des usagers, d’où leur multiplication et donc leur banalité. Dans le cas précis du Sillon Lorrain, la ZAE de Bouxières-Lesménils conforte le renforcement de l’axe Épinal-Luxembourg et l’effet polarisant exercé par l’A31 : il n’est guère étonnant de constater que la vie économique du bassin de Pont-à-Mousson soit elle aussi entraînée par la force des navettes quotidiennes.

Figure 5 : la ZAE Bouxières-Lesménils

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P. Calenge, 2024

Conclusion

Comme le démontre le questionnement sur la qualité du paysage des ZAE et les éléments le faisant considérer comme banal, c’est bien en fait le lien entre ces ZAE et les espaces urbains dans leur ensemble qui pose question, y compris sur le plan esthétique : la rupture supposée entre les espaces d’activité périphériques et les centres urbains devient même une question ontologique sur la nature même de l’urbain. Ainsi, Patricia Lejoux et Clément Charieau estiment qu’elle « est [la ZAE] rarement envisagée comme un objet urbain, c’est-à-dire comme un objet susceptible de participer à la production, au fonctionnement et à la structuration des espaces urbains » (Lejoux et Charieau, 2019). Les deux auteurs soulignent le fait qu’en France les ZAE sont généralement associées « aux services en charge du développement économique [à prendre ici au sens des services techniques des EPCI], plutôt qu’aux services en charge de l’aménagement » (Lejoux et Charieau, 2019), ce qui suggère une difficulté à penser leur intégration en termes d’urbanisme et le primat de la quête de croissance économique, pourvoyeuse d’emplois et de ressources fiscales pour les collectivités locales… et générateur de banalité paysagère. Pourtant, il n’est pas impossible de penser que l’avenir des villes se joue en partie dans ces périphéries, laboratoires de la « ville émergente » (Chalas et Dubois-Taine, 1997). Yves Chalas parlant même de « lieux d’initiation à la nouveauté » et Patrice Goulet (in Chalas et Dubois-Taine, 1997) affirmant « qu’il est évident qu’il existe un rapport entre la protection des centres-villes et la métamorphose des périphéries. Plus la ville se fige, plus la banlieue explose » (cité par Gourdon, 1997). Une affirmation à nuancer sans doute : si les possibilités de redéploiement des activités sont limitées dans des grandes villes-centres des agglomérations de Metz et Nancy, densément bâties et en grande partie patrimonialisées et valorisées (ce qui rend leur conversion pour d’autres fonctions coûteuses), il n’en est pas forcément de même pour des petites villes comme Pont-à-Mousson, qui disposent de réserves foncières importantes, y compris dans la ville-centre au cœur de l’agglomération. La contradiction apparente entre la croissance d’espaces d’activité en périphérie et cet état de fait est à investiguer. La banalité paysagère des espaces d’activité des ZAE, fondée sur la réitération de formes stéréotypées comme les hangars fonctionnalistes et les ronds-points, est la résultante d’un mode d’habiter contemporain très difficile à remettre en cause, malgré la récente volonté gouvernementale de se pencher sur ces ZAE que l’on veut rendre plus mixtes (introduction de résidences, de petits commerces). Ainsi, ce mode d’habiter est associé aux espaces de périphérie urbaine : la commodité des mobilités automobiles d’une part, le faible coût d’aménagement de ces ZAE d’autre part rendent improbables une remise en cause d’un modèle spatial qui s’impose dans les faits. Il serait d’ailleurs nécessaire, pour compléter cette recherche essentiellement liée au terrain, d’enquêter auprès des utilisateurs de ces zones, au premier rang desquels les consommateurs qui les fréquentent massivement, dans une démarche plus sociologique, pour connaître leur perception du paysage de ces ZAE et de son « degré » de banalité.

1 Pour des raisons de clarté du propos, « périphérie urbaine » a été préféré au plus spécifique « suburbain » et inclut les banlieues (au bâti continu

2 On oublie d’ailleurs qu’il s’agit aussi de « sorties de ville ».

3 De Jarcy, Xavier et Rémy, Vincent, 2010, « Comment la France est devenue moche », Télérama, 13 février 2010.

4 Site de l’association Paysages de France : https://www.paysagesdefrance.org/index.php

5 Le terrain d’étude sera présenté, et son choix justifié, en partie I-B, avec une carte.

6 Appel à articles pour la revue Passerelles SHS « Débanaliser le banal » en SHS.

7 La ville de Nancy est centrée sur la Meurthe, mais l’agglomération s’étend jusqu’à la vallée de la Moselle au niveau de Frouard et Pompey à la

8 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074075/LEGISCTA000043968262/#LEGISCTA000043968262

9 Un autre terme largement désuet aujourd’hui dans les documents d’aménagement et d’urbanisme, mais toujours largement employé de manière vernaculaire

10 À partir des années 1960, l’usage de structure en aluminium, de charpentes en lamellé-collé, de fenêtres et baies vitrées en PVC (polychlorure de

11 La Lettre Lorraine, 2003, n°224, 24 juillet, 2 pages.

12 Cette remarque est issue d’un débat tenu lors du séminaire « Trois vallées prêtes à soulever des montagnes », organisé le 24 juin 2024 par l’

13 Un article du Républicain Lorrain note ainsi le 25 novembre 2014 que « Les commerçants de la zone d'activité Les Gravières à Augny souffrent des

14 BERTONCINI Patrice, 2016, « La zone d’activité en plein essor », L’Est Républicain, 16/11/2016, https://www.estrepublicain.fr/

15 https://www.bassin-pont-a-mousson.fr/parc-regional-d-activites-bouxieres-lesmenils.htm

16 Ibid..

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VANIER Martin, 2000, « Qu’est-ce que le tiers espace ? Territorialités complexes et construction politique », dans : Revue de géographie alpine, tome 88, n°1, pp. 105-113 ; DOI : https://doi.org/10.3406/rga.2000.4626 ; https://www.persee.fr/doc/rga_0035-1121_2000_num_88_1_4626

Notes

1 Pour des raisons de clarté du propos, « périphérie urbaine » a été préféré au plus spécifique « suburbain » et inclut les banlieues (au bâti continu avec le centre) et le périurbain (rurbain sous la dépendance directe de la ville).

2 On oublie d’ailleurs qu’il s’agit aussi de « sorties de ville ».

3 De Jarcy, Xavier et Rémy, Vincent, 2010, « Comment la France est devenue moche », Télérama, 13 février 2010.

4 Site de l’association Paysages de France : https://www.paysagesdefrance.org/index.php

5 Le terrain d’étude sera présenté, et son choix justifié, en partie I-B, avec une carte.

6 Appel à articles pour la revue Passerelles SHS « Débanaliser le banal » en SHS.

7 La ville de Nancy est centrée sur la Meurthe, mais l’agglomération s’étend jusqu’à la vallée de la Moselle au niveau de Frouard et Pompey à la confluence des deux rivières. Nancy s’inscrit bien dans l’axe méridien du Sillon.

8 https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074075/LEGISCTA000043968262/#LEGISCTA000043968262

9 Un autre terme largement désuet aujourd’hui dans les documents d’aménagement et d’urbanisme, mais toujours largement employé de manière vernaculaire.

10 À partir des années 1960, l’usage de structure en aluminium, de charpentes en lamellé-collé, de fenêtres et baies vitrées en PVC (polychlorure de vinyle) se répand.

11 La Lettre Lorraine, 2003, n°224, 24 juillet, 2 pages.

12 Cette remarque est issue d’un débat tenu lors du séminaire « Trois vallées prêtes à soulever des montagnes », organisé le 24 juin 2024 par l’Observatoire des Territoires de l’industrie à Saint-Dié-des-Vosges. Marion Étienne, dirigeante de l’entreprise Numalliance, dont l’usine est à Saint-Michel-sur-Meurthe (hors Sillon Lorrain), a ainsi expliquée le remodelage, à l’image de celle de Gris Group à Lesménils, de son usine dans un sens esthétique privilégiant la visibilité de l’établissement et marquant la réussite de l’entreprise. De même Thomas Huriez, dirigeant de l’entreprise textile 1083 Jeans qui possède un site de production à Rupt-sur-Moselle, dans la partie amont du Sillon, explique, lors d’un entretien téléphonique effectué le 26 juin 2024 par Arthur Thévenin, étudiant en Master 1 de Géographie, Aménagement et Développement des territoires de l’Université de Lorraine, explique que « L'industrie meurt de se planquer dans des ZI, dans des sites anonymes ».

13 Un article du Républicain Lorrain note ainsi le 25 novembre 2014 que « Les commerçants de la zone d'activité Les Gravières à Augny souffrent des embouteillages accentués, le week-end, par l'ouverture de Waves. Certains accusent près de 50% de perte de chiffre d'affaires. La nouvelle bretelle d'autoroute attend toujours les financements de l'Etat ». Le Républicain Lorrain, 25 novembre 2014, mis à jour le 24 février 2019, https://www.republicain-lorrain.fr/moselle/2014/11/25/waves-a-metz-sud-les-commercants-pestent-contre-les-bouchons

14 BERTONCINI Patrice, 2016, « La zone d’activité en plein essor », L’Est Républicain, 16/11/2016, https://www.estrepublicain.fr/edition-de-pont-a-mousson/2016/11/16/la-zone-d-activite-en-plein-essor

15 https://www.bassin-pont-a-mousson.fr/parc-regional-d-activites-bouxieres-lesmenils.htm

16 Ibid..

Illustrations

Figure 1 : La localisation des ZAE sur le territoire Lorrain, un inventaire empirique

Figure 1 : La localisation des ZAE sur le territoire Lorrain, un inventaire empirique

S. Edelblutte, 2024

Figure 2 : Quelques sites industriels débanalisés dans le Sillon Lorrain

Figure 2 : Quelques sites industriels débanalisés dans le Sillon Lorrain

Figure 3 : Le centre commercial Waves, un exemple de la volonté de débanalisation des ZAE commerciales

Figure 3 : Le centre commercial Waves, un exemple de la volonté de débanalisation des ZAE commerciales

P. Calenge, 2024

Figure 4 : Le développement des ZAE autour de l’échangeur de Lesménils

Figure 4 : Le développement des ZAE autour de l’échangeur de Lesménils

S. Edelblutte, 2024

Figure 5 : la ZAE Bouxières-Lesménils

Figure 5 : la ZAE Bouxières-Lesménils

P. Calenge, 2024

Citer cet article

Référence électronique

Pierric Calenge et Simon Edelblutte, « Le paysage des zones d’activités économiques du Sillon Lorrain entre banalité et tentatives de débanalisation ? », PasserelleSHS [En ligne], 3 | 2025, mis en ligne le 11 décembre 2024, consulté le 10 mars 2025. URL : https://ouest-edel.univ-nantes.fr/passerelleshs/index.php?id=285

Auteurs

Pierric Calenge

Pierric Calenge est professeur agrégé de géographie à l’université de Lorraine (LOTERR). Doctorant en géographie depuis 2024, ses travaux portent sur les petites et moyennes villes de Lorraine, les relations entre centres et périphéries, les dynamiques des espaces périurbains ainsi que l’analyse des paysages ordinaires.

pierric.calenge@univ-lorraine.fr

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Simon Edelblutte

Simon Edelblutte est professeur de géographie à l’université de Lorraine, spécialiste des paysages et territoires de l’industrie : leur genèse, leur développement, leur évolution vers de nouvelles formes, mais aussi leurs héritages, sont analysés autour des thématiques de la reconversion industrielle et du redéveloppement territorial dans le cadre plus global de la transition. Si les entrées paysagères et géohistoriques sont privilégiées, les approches quantitatives et sociales ne sont pas négligées, le tout permettant analyses et caractérisations utiles à l’aménagement de ces territoires industriels, post-industriels ou néo-industriels.

simon.edelblutte@univ-lorraine.fr

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